La vie devant soi, Romain Gary

couv47940448.gif.jpgMomo, petit garçon arabe, se débat contre les six étages que Madame Rosa, la vieille femme juive qui l’élève, ne veut plus monter, et contre la vie. Le petit garçon l’aidera à se cacher dans son « trou juif », elle n’ira pas mourir à l’hôpital et pourra ainsi bénéficier du droit sacré « des peuples à disposer d’eux-mêmes » qui n’est pas respecté par l’Ordre des médecins. 

* * *

Je crois que je tiens mon record de retard de chronique puisque j’ai lu ce roman…en avril. No comment. Mieux vaut tard que jamais, non ?

Vous connaissez mon amour pour Romain Gary depuis La Promesse de l’aube. J’ai donc poursuivi ma découverte de l’auteur avec un autre de ses romans les plus connus.

Mon ressenti face à La vie devant soi est un peu particulier. Le résumé n’était pas forcément très éclairant, ou du moins n’ai-je pas su lire entre les lignes les indices sur l’histoire. Pour le dire franchement, je ne m’attendais absolument pas aux thèmes traités par le roman, et j’ai donc été d’autant plus déconcertée, marquée.

Car le livre aborde des sujets particulièrement durs : la prostitution, les enfants abandonnés, la vieillesse, l’euthanasie et la fin de vie.

Le récit nous est raconté par Mohammed, ou « Momo » pour les intimes, un petit garçon arabe. Il vit avec plusieurs autres enfants chez Madame Rosa. On comprend vite que ces enfants sont des enfants de prostituées, recueillis et hébergés par une vieille femme, elle-même ancienne prostituée. Sauvés de l’abandon et de la misère, sans père officiel, ils sont élevés par Madame Rosa qui les cache pour ne pas que les services sociaux viennent les prendre. Ignorant d’où ils viennent et ce qu’ils vont devenir, les enfants vivent dans un quotidien assez précaire, qui peut s’arrêter si leurs pères viennent les chercher ou s’ils arrêtent de payer.

Mais Rosa est surtout une vieille femme juive, grosse et malade, fatiguée par la vie, qui a de plus en plus de mal à monter les escaliers et à s’occuper des enfants. Elle perd un peu la tête, persuadée que les Allemands vont débarquer à tout moment pour l’arrêter. A travers le personnage de Rosa, Gary évoque la vieillesse, la dégradation des corps, la dignité, le droit de mettre fin à ses jours. J’admire l’angle et le ton sous lesquels il aborde ce sujet tabou, particulièrement difficile. Néanmoins, je n’ai pu m’empêcher d’éprouver un certain malaise, en me rappelant son propre refus de la vieillesse et son suicide.

La relation entre Momo et Rosa est assez étrange. Ce n’est pas du tout celle que l’on pourrait attendre entre un enfant et un adulte (qui plus est son « tuteur » non officiel) – et d’ailleurs Momo est parfois traité comme un adulte, confronté à des problématiques auxquelles un enfant ne devrait jamais avoir affaire. Et en même temps, on sent des deux côtés une sorte d’affection maladroite, touchante.

Momo ignore l’identité de ses parents et jusqu’à sa date de naissance. Il souffre de l’absence de sa mère, qui ne vient jamais le voir, contrairement à celles de ses camarades. Très (trop) mature pour son âge, il nous parle avec candeur de sujets tragiques, sans toujours percevoir ce qui se joue réellement autour de lui. Le décalage entre son langage, rempli de fautes et d’une certaine naïveté, et la teneur de ses propos, donne toute sa force au roman. Il nous parle de femmes qui se « défendent » (comprenez : « se prostituent »), de son aide pour « avorter » Madame Rosa, au nom du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » (c’est-à-dire, de leur corps, de leur vie).

Ce petit garçon, qui en déjà trop vu et en sait déjà trop sur les crasses de la vie, est particulièrement touchant et, à sa manière, nous donne une leçon de vie. Avec son regard d’enfant, il questionne nos valeurs, se révolte contre les lois de la nature et l’ordre du monde. Entre sourire et larmes, on se dit en même temps que lui que, oui, la vie est mal faite, et que les hommes ne savent pas s’y prendre.

* * *

En bref, ce n’est pas le genre de roman que vous pouvez réellement aimer ou non. Ce n’est pas une lecture que l’on peut juger « agréable ». L’auteur a cette manière brute de dire les choses, qui les rend d’autant plus choquantes qu’elles sont perçues à travers les yeux d’un petit garçon. C’est à ce moment que je me dis que Gary est un génie, que son écriture nous prend au corps, que La vie devant soi a tout d’un grand roman.

Verdict Une bonne suprise

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