Challenge #1 : Les Nouvelles de l’Avent (Part 2)

13 décembre : « Un rêve », Ivan Tourgueniev

Poursuite de la littérature russe ! Et cette fois-ci, autant ne pas vous le cacher, la nouvelle m’a vraiment emballée ! J’ai beaucoup aimé l’écriture de l’auteur, c’est très bien écrit, c’est prenant, les mots glissent tout seuls ! (même si bien sûr, je n’ai pas lu la version originale russe). L’intrigue : un jeune homme de 18 ans, qui vit seul avec sa mère car son père est mort quand il était jeune. Il est décrit comme étant très proche de sa mère, rêveur et solitaire. Deux pistes sont lancées par l’auteur pour entamer le récit qui débouchera sur la chute caractéristique : la mère hantée par un secret mystérieux et qui semble parfois souffrir à la vue de son fils ; le fils, se perdant souvent dans ses pensées, et qui rêve à la figure fuyante de son père… Le rêve rattrapera-t-il la réalité ?

J’ai hâte de découvrir d’autres œuvres de Tourgueniev ! Et, soyons-fou, peut-être un jour en V.O ? (j’avais appris le russe au lycée !!)

14 décembre : « Maouki », Jack London

On connaît Jack London pour son âme d’aventurier, son amour de la nature, mais aussi son engagement dans la dénonciation de la misère. Les Contes des mers du Sud sont un condensé de tous ces éléments tout en s’en démarquant. London a quitté le Grand Nord pour les îles du Pacifique et décrit non plus la pauvreté terrible de la classe ouvrière mais la cruauté du système esclavagiste. Maouki « pesait cent dix livres, avait une tignasse épaisse et crépue et il était noir. »  Fils d’un chef de Port-Adam, village des îles Salomon, il est pourtant réduit à un prix, après avoir été enlevé par  les « broussards », là où les Blancs ne s’aventurent pas, et fait esclave par Fanfoa, chef de plusieurs villages. Il quitte alors le rivage et sa liberté, mais ses peines ne s’arrêtent pas là : échangé en guise de marchandise contre des provisions de tabac, il passe sous la domination des Blancs et est réduit à travailler 3 ans dans les plantations. Découvrant alors un labeur autrement plus violent et éprouvant, son histoire sera celle d’un esclave tentant inlassablement de s’enfuir pour retrouver son pays et sa place, sans cesse rattrapé et puni, aggravant de manière tragique à la fois sa condition et les années de travail dues. Pourra-t-il un jour regagner Port-Adam ?

15 décembre : « La condition absolue », Jorn Riel

Clin d’œil involontaire, on continue avec un autre auteur célèbre du Grand Nord. Enfin, soyons honnête tout de suite, je dis « grand » mais je n’avais jamais entendu le nom de Jorn Riel avant de le voir sur la liste des meilleurs auteurs de nouvelles ! Mais la faute est réparée, l’honneur est sauf (et le vôtre aussi, par la même occasion, si vous étiez dans le même état d’ignorance que moi).

Si je n’ai pas découvert des nouvelles extraordinaires, j’ai découvert un Danois (ça fait toujours original de citer un auteur danois, un anglophone c’est tellement commun…) avec une réelle expérience du Groenland, qu’il a transmise dans des romans sur la culture inuit, que j’ai vraiment hâte de lire !

La nouvelle du jour est extraite d’un de ses nombreux recueils de « racontars arctiques » , des « histoires vraies qui pourraient passer pour un mensonge, à moins que ce ne soit l’inverse », comme il les définit. Il met en scène les trappeurs des compagnies de chasse qu’il a rencontrés lors de ses voyages. On est introduit rapidement à leur environnement solitaire et isolé au sein de l’immensité nordique. Mais c’est surtout des petits récits comiques, des intrigues insolites. Dans « La condition absolue », les tensions entre deux trappeurs autour de la construction de toilettes (plutôt trivial, comme sujet…), érigés en symbole suprême de la civilisation, sont l’occasion d’une réflexion sur les modes de vie et le rapport à la nature. Je n’ai pas été transportée. Construire toute une nouvelle sur un sujet pareil me semble quand même assez limité, surtout que l’humour pipi-caca n’est pas vraiment ma tasse de thé ! Mais la caractéristique des nouvelles de Riel est justement de montrer le dérisoire pour faire rire, en premier lieu, et peut-être, si on s’y prête, nous faire réfléchir. J’ai lu aussi qu’ il fallait lire les autres recueils car on retrouve les mêmes personnages et on voit leur évolution.

16 décembre : « Boule de suif », Guy de Maupassant

Que dire de « Boule de suif »…? Malheureusement pas grand chose ! Après avoir été enthousiasmée par « Mademoiselle Fifi », j’en attendais autant de cette nouvelle de Maupassant et elle n’a pas été à la hauteur de mes attentes. Le contexte est le même, celui de l’occupation prussienne pendant la guerre de 1870. L’armée prussienne est entrée à Rouen, l’auteur décrit comment la population s’accommode de cette présence étrangère, malgré quelques actes d’hostilité contre les Prussiens. Un groupe de bourgeois commerçants décident alors de prendre la route pour le Havre afin de protéger leurs intérêts commerciaux et avec le projet de rejoindre l’Angleterre.  Alors que le trajet ne se déroule pas tout à fait comme prévu, la présence d’une prostituée, Boule de suif, parmi les voyageurs, va susciter à la fois mépris et indifférence, reconnaissance, intérêt, et stratégies pour atteindre leur destination. Maupassant met en scène l’hypocrisie du comportement des bourgeois envers la prostituée, d’abord ignorée puis traitée en égale quand elle peut les servir, instrumentalisée ensuite, donnée en sacrifice au nom du groupe pour n’obtenir finalement qu’un nouveau rejet au lieu de leur reconnaissance. Si la réflexion sur le rapport à l’ennemi et les rapports sociaux est intéressante, j’ai trouvé que les personnages n’étaient pas assez travaillés ; on ne parvient pas à les cerner clairement ou à s’y attacher. Cela aurait pu être excusé par le format « nouvelle », mais l’auteur prend pourtant le temps (un peu long à mon goût) de relater de manière plus générale l’arrivée des Prussiens et l’attitude de la population. En somme, au lieu de se concentrer sur des personnages pour développer son sujet (comme il le fait dans « Mademoiselle Fifi »), Maupassant garde ,au début, une vision trop large qui empêche le lecteur de trouver un réel intérêt au récit du voyage de ces quelques Rouennais.  

17 décembre : Open failed

18 décembre : « Le Bagnard », James Lee Burke

J’avais décidé de changer de style avec cette nouvelle. Elle se déroule à New Iberia, en Louisiane. Un homme, respecté quoiqu’en désaccord avec la majorité des hommes qu’il côtoie, et plutôt favorable aux droits pour les hommes de couleur, se retrouve à aider un évadé de prison, contre l’avis de sa femme et face aux interrogations de son fils. J’ai malheureusement trouvé la nouvelle un peu creuse, d’abord parce qu’elle est tout à fait dans le genre réaliste (description du bayou, contexte de la discrimination envers les Noirs etc), mais surtout parce qu’on ne trouve pas ce petit quelque chose qui éveillerait notre intérêt de lecteur, au-delà d’une petite réflexion sur la justice et les valeurs. J’ai cependant apprécié le personnage central, homme réfléchi, mesuré et engagé dans ses idées, qui se bat pour son idée de ce qui est juste, y compris si cela lui octroie des difficultés personnelles, ne cédant ni devant l’opposition, ni devant les demandes du bagnard.

19 décembre : Open failed

20 décembre : « Tous les chemins mènent au ciel », Roald Dahl

J’avais déjà été introduite au cynisme et à l’ambiance assez particulière des nouvelles de Roald Dahl avec « Peau », mais là je dois dire que « Tous les chemins mènent au ciel » m’a mis un peu mal à l’aise… L’histoire est celle de Madame Foster qui a une telle horreur d’être en retard que cela la met dans un état de profonde angoisse. Son mari aime la provoquer en prenant son temps et retardant les départs, pour lui faire croire jusqu’au bout qu’ils vont vraiment finir par être en retard. Un jour que Madame Foster doit prendre l’avion seule pour aller à Paris passer six semaines avec ses petits enfants, son mari utilise sa tactique habituelle. Ajoutez à cela le brouillard qui compromet les trajets, et tout joue contre Madame Foster et ses nerfs. Seulement voilà, l’auteur nous décrit de manière assez insidieuse, par allusion, la dégradation des relations entre Madame Foster et son mari, à la fois la perversité grandissante de celui-ci, son plaisir sadique à tenter de compromettre le voyage de sa femme ou du moins à aggraver son angoisse (cela m’a vraiment dérangé, tout du long je me disais « mais pourquoi ne peut-il pas la laisser tranquille et partir deux heures en avance si elle a un problème avec ça, surtout que c’est un voyage qui lui tient à cœur ? »), et de l’autre le ressentiment de Madame Foster envers son mari, qui finit par n’être plus considéré que comme un obstacle entre elle et ce voyage dont elle rêve tant… La chute est particulièrement sombre, et ce d’autant plus qu’elle laisse un doute complet au lecteur, laissant suggérer avec insouciance une horreur, sans jamais la confirmer. 

Bref, je n’accroche pas tout à fait avec l’univers de Roald Dahl !

21 décembre : « Le scarabée d’or », Edgar Allan Poe

Je ne serai décidément pas une grande fan d’Edgard Allan Poe ! Pourtant, je m’étais lancée dans les (Nouvelles) Histoires extraordinaires après en avoir étudié une en cours d’anglais qui m’avait intéressée. Mais après deux tentatives décevantes, je suis obligée de reconnaître que je ne retrouve pas  ce qui m’avait plu. Je laisse le bénéfice du doute à Poe, ce ne peut être que le fruit d’un hasard malheureux… L’histoire du « Scarabée d’or » est celle d’un fils de riche famille désargenté, qui s’est isolé sur l’île de Sullivan et trouve un mystérieux scarabée d’or. Il est persuadé que celui-ci va amener quelque chose d’extraordinaire, et son intérêt pour l’insecte tourne à l’obsession, ce qui inquiète son ami (le narrateur). Connaissant à peu près Poe, je m’attendais à tout avec cette nouvelle : une influence macabre du scarabée, une avidité punie, une tombée dans la folie,… Et finalement…rien. L’histoire se passe, on attend, on pense à une chute, on s’imagine toutes les choses horribles (et si on est optimiste, merveilleuses) qui peuvent arriver aux personnages, et ça s’arrête là. Deux hypothèses : soit c’est justement une astuce de l’auteur, de nous faire croire à toutes ces éventualités (et la chute serait donc justement que la situation est tout à fait normale), soit c’est simplement que la nouvelle a vieilli. « Le scarabée d’or » représente les débuts de la nouvelle d’aventure, mêlant chasse au trésor et cryptologie, et du récit policier. Deux siècles et demi plus tard, on a vu mieux…

22 décembre : « Vingt-quatre heures de la vie d’une femme », Stefan Zweig

Je retrouve avec plaisir Stefan Zweig, après avoir lu Lettre d’une inconnue, Le joueur d’échecs et Amok ! Et je n’ai pas été déçue ! En lisant le résumé de la quatrième de couverture, j’appréhendais un peu ma lecture : ne serait-ce qu’une banale histoire de tromperie à travers le récit d’une femme infidèle qui s’assume ? J’aurais du me douter que Stefan Zweig vaut mieux que ça. Et en effet, si l’histoire débute sur la fuite d’une femme mariée avec un jeune homme qu’elle ne connaît que depuis un jour, elle se poursuit sur tout autre chose. C’est là seulement le récit cadre, procédé utilisé de manière récurrente par l’auteur dans ses nouvelles. Le narrateur – là aussi personnage central des œuvres de Zweig – intrigué, tente de comprendre comment une femme sans histoire peut subitement abandonner son mari et ses enfants. Se pourrait-il « qu’une femme puisse sans l’avoir voulu, être précipitée dans une aventure soudaine, qu’il y ait des actes qu’une telle femme aurait elle-même tenus pour impossible une heure auparavant et dont elle ne saurait être rendue pour responsable ? » , quelque chose comme une impulsion qui s’impose à sa volonté ? Une vieille dame anglaise intervient alors pour lui confier son histoire, sa propre expérience : comment, en vingt-quatre heures, une rencontre peut bouleverser une vie, comment un homme que l’on cherche simplement à aider peut nous conduire là où l’on n’imaginait pas et tourmenter une âme pendant plusieurs années. La violence (symbolique) de ce qu’a vécu cette femme ne peut que nous toucher et nous ôter cette tendance déplorable que l’on a à juger l’autre. 

23 décembre : « Les Chemins du destin », O. Henry

La construction de ce récit d’O. Henry est particulièrement intéressante ! Le personnage principal, David, un jeune berger poète à ses heures perdues, s’étant disputé avec sa copine la veille, décide de quitter le village et commencer une nouvelle vie. Comme l’indique le titre, sa route se divise en trois chemins, et son choix va déterminer son destin. Des clins d’œil réunissent les trois histoires, par des phrases semblables (« Et poète il devait être, car Yvonne était oubliée », mais pour des raisons différentes) ou des personnages que l’on retrouve de manière plus ou moins lointaine.  Le plus original est que l’auteur ne privilégie aucune des fins de l’histoire, c’est au lecteur de choisir…ou de ne pas choisir ! On croit au début que la troisième version va être la bonne et va peut-être apporter une leçon morale (le poète retournerait vers sa belle). Or, on se rend compte à la fin qu’il n’en est rien… Un seul regret, le côté noir des trois versions : j’espérai au moins un happy end, or ce n’est pas le cas…

Voilà ! C’était ma dernière nouvelle lue pour ce challenge ! A très bientôt pour le bilan !

24 décembre : Noël avant l’heure

25 décembre : La surprise de Noël


Les références :

  • Ivan Tourgueniev, « Le rêve », dans Nouvelles et récits russes classiques, Langues pour tous       
  • Jack London, « Maouki », dans Contes des mers du Sud, Libretto
  • Jorn Riel, « La condition absolue », dans La vierge froide et autres racontars, 10/18
  • Guy de Maupassant, « Boule de suif », dans Boule de suif, Le Livre de poche
  • James Lee Burke, « Le bagnard » dans Le Bagnard, Rivages/Ecrits noirs
  • Roald Dahl, « Tous les chemins mènent au ciel », dans Kiss Kiss, Folio
  • Edgar Allan Poe, « Le scarabée d’or », dans Histoires extraordinaires, Le Livre de poche
  • Stefan Zweig, « Vingt-quatre heures de la vie d’une femme », dans Vingt-quatre heures de la vie d’une femme, Le Livre de poche
  • O. Henry, « Les chemins du destin », dans Les chemins du destin, Rivages

Challenge #1 : Les Nouvelles de l’Avent (Part 1)

1er décembre : « Mademoiselle Fifi », Guy de Maupassant

On commence en douceur pour le premier jour de décembre, avec une nouvelle très courte ! Mais court ne veut pas dire sans ressources, la preuve par Guy de Maupassant qui parvient en 10 pages à nous faire passer par toutes les opinions et tous les états.  On départ, on se demande ce que la nouvelle raconte, au-delà d’un récit plutôt plat d’officiers prussiens qui s’ennuient. On ne voit pas bien où cela va nous mener, malgré l’arrivée des femmes qui n’apporte rien de bien intéressant. Et pourtant, la chute se produit bel et bien, surprenante comme on les aime, et plus que cela, renversant tout le sens, toute la tonalité du récit, que l’on peut résumer en une phrase : « Je ne suis pas une femme, moi, je suis une putain ; c’est bien tout ce qu’il faut à des Prussiens. »

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