
Une bonne (ancienne) surprise ♥
Je me suis de nouveau plongée dans l’univers de Charlie et Willy Wonka dans le cadre du challenge d’hiver Masscritics pour lequel il fallait « relire un livre que vous aviez aimé quand vous étiez enfant. » J’avoue que j’ai fini cette lecture depuis une éternité, mais je ne me décidais pas à écrire la chronique !
Charlie et la chocolaterie
Un classique de la littérature jeunesse que l’on ne présente plus. Charlie Bucket est un petit garçon anglais qui vit dans une toute petite maison avec son père, de sa mère et les quatre grands-parents. Il raffole du chocolat de la célèbre chocolaterie Wonka mais, faute d’argent, il ne peut se procurer qu’une seule tablette par an, le jour de son anniversaire. Pour protéger sa créativité et ses recettes secrètes, Willy Wonka a fermé sa chocolaterie au public, afin d’éviter l’espionnage industriel. Mais voilà qu’un jour le chocolatier annonce qu’il a glissé, dans 5 tablettes de chocolat vendues dans le monde entier, un ticket d’or qui permettra à celui qui le trouvera de passer une journée dans la chocolaterie et de gagner assez de chocolats et de confiseries pour le nourrir jusqu’au restant de ses jours.
Le livre de Roald Dahl a surtout été popularisé par le film réalisé par Ti
m Burton, avec Johnny Depp dans le rôle de Willy Wonka et Freddie Highmore dans le rôle de Charlie. J’ai été très étonnée de voir, en relisant le livre, à quel point le film était fidèle au livre. C’est très simple : les scènes, les chansons, l’univers, tout y est, et dans l’ordre ! Le film rajoute même des éléments en plus, en particulier l’histoire personnelle de Willy Wonka qui reste un mystère dans le livre.
L’imagination de Roald Dahl relève du génie : on ne peut être qu’émerveillé devant tous ces chocolats aux multiples saveurs, la rivière en chocolat, le gazon comestible, le chewing-gum qui ne perd jamais de goût et autres caramels et guimauves. C’est un livre qui se savoure aussi bien avec les papilles qu’avec les yeux.
Le personnage de Willy Wonka dénote par sa folie et son excentricité et tient à lui seul le récit, rythmé par son insouciance et son cynisme. Le halo de mystère qui l’entoure renforce son intérêt. A ses côtés, les irréductibles et non moins loufoques Oompa loompas, peuple miniature venu de contrées lointaines, uniques ouvriers de la chocolaterie qui agrémentent le roman de leurs chansons cinglantes de franchise.
Charlie et la chocolaterie est un livre très manichéen, ce qui est peu étonnant quand on rappelle qu’il est adressé aux enfants. Parmi les enfants qui remportent le ticket d’or et que l’on va suivre tout au long de la visite de la chocolaterie, seul Charlie apparaît comme l’enfant sage, gentil, obéissant, doté de bonnes intentions, réellement intéressé par la magie de la chocolaterie et sans prétention. Accompagné de son grand-père, il suit à la lettre les consignes de Willy Wonka et n’émet aucune critique. Il est même un peu trop parfait pour être crédible, quand on pense à son sens du sacrifice envers les membres de sa très pauvre famille. Les autres enfants sont l’incarnation d’un défaut pour lesquels ils vont tour à tour être punis : Augustus Gloops, l’enfant dont la gourmandise n’a pas de limites, Violette Beauregard, l’enfant capricieuse et bornée, Veruca Salt, la fille de riches qui obtient tout ce qu’elle veut et croit que tout peut s’acheter, et Mike Teavee, l’enfant addict à la télévision et aux écrans. Le roman est donc aussi l’occasion de rappeler les principes d’une bonne éducation pour éviter de produire un enfant capricieux, pourri-gâté et foncièrement méchant.
=> En bref, un roman qui mérite d’être connu pour l’univers fantaisiste, très imagé et plein d’humour créé par Roald Dahl. Pas de surprise, cependant, pour ceux qui ont déjà vu le film !
Charlie et le grand ascenseur de verre (tome 2)

Mais ce n’est pas fini, car Roald Dahl a écrit une suite ! Eh oui ! Celle-ci est beaucoup moins connue que le premier tome, car elle n’a pas été adaptée au cinéma. Charlie et le grand ascenseur de verre est totalement différent du premier tome, que ce soit le cadre, l’univers ou la tonalité. Il semble s’adresser à un public plus large (voire adulte) et prend un sens plus complexe que la petite morale de Charlie et la chocolaterie.
A la fin du premier tome, Willy Wonka offre la chocolaterie à Charlie et souhaite le former pour qu’il devienne son successeur. Il accepte que Charlie emmène avec lui toute sa famille pour s’installer dans la chocolaterie, y compris ses grands-parents qui ne sortent jamais de leur lit. Les Bucket et Willy Wonka partent alors en voyage dans le grand ascenseur de verre de la chocolaterie…jusqu’au moment où ils atterrissent accidentellement dans l’espace.
Le scénario de ce second tome est assez tiré par les cheveux et m’a personnellement moins convaincue, d’autant que l’on ne retrouve pas l’univers gourmand et magique des chocolats et friandises. Néanmoins il est intéressant d’en remarquer l’aspect politique et historique. Roald Dahl nous rejoue la guerre froide dans un livre pour enfants : la folie de la course à la conquête spatiale, l’absurdité du comportement du président américain, la crainte exagérée pour la sécurité du territoire américain, les Soviétiques désignés d’emblée comme les coupables, si ce n’est la Chine de Mao…
« Tous les yeux étaient rivés sur l’écran de télé, tandis que le petit objet de verre, fusées allumées, glissait doucement derrière le gigantesque Space Hotel.
-Ils vont arrimer ! hurla le Président. Ils vont aborder l’hôtel !
-Ils vont le faire sauter ! s’écria le chef de l’armée de terre. Faisons-les d’abord sauter, eux ! Crac, boum, patatras, pan pan pan !
Le chef de l’armée de terre portait tant de médailles qu’elles lui recouvraient entièrement la poitrine et descendaient même le long de ses pantalons. »
On retrouve avec ce tome la plume acerbe, assez cynique de Roald Dahl, caractéristique de ses nouvelles pour adultes. Il critique la politique de cette période en tournant sans arrêt en ridicule les personnages. Il se permet aussi des dialogues d’un culot assez remarquable et totalement désabusé grâce au cynisme de Willy Wonka, surtout quand le personnage s’adresse aux grands-parents peureux (un peu comme les enfants pas sages dans le premier tome).
« – Ça, c’est un peu fort ! dit grand-maman Joséphine. Nous allons être réduits en bouillie !
– Comme des oeufs brouillés ! ajouta grand-maman Georgina.
– Ça, dit Mr. Wonka, c’est un risque à courir.
– Vous plaisantez, fit grand-maman Joséphine. Dites-nous que vous plaisantez.
– Madame, déclara Mr. Wonka, je ne plaisante jamais.
– Oh, mes chéris ! s’écria grand-maman Georgina, nous allons être hachés-patés jusqu’au dernier !
– Très probablement, dit Mr. Wonka. »
Toutefois, le roman perd beaucoup de son humour pour prendre une teinte plus tragique, avec en particulier des monstres, portant le doux nom de Kpoux Vermicieux, qui font un massacre.
Le retour à la chocolaterie se focalise cette fois-ci sur les personnages des grands-parents, avec une scène assez savoureuse, sans oublier, toujours, la critique et la réflexion sur la vieillesse.
=> En somme, un deuxième tome qui est moins prenant mais révèle le côté obscur de la plume de Dahl derrière la légèreté de la fantaisie : cynisme et critique sociale et politique.