David Copperfield, Charles Dickens

Après avoir découvert une bonne partie de l’œuvre de Dickens – je vous ai déjà parlé du Mystère d’Edwin Drood, des Grandes Espérances et d’Un chant de Noël – je me suis enfin décidée à lire un de ses romans les plus connus, David Copperfield.

David menait une enfance heureuse auprès de sa mère, avant que celle-ci se remarie avec un homme cruel et tyrannique, Mr Murdstone. N’écoutant que son cœur rebelle, il décide de s’enfuir pour retrouver une grand-tante qui pourrait bien s’occuper de lui…

C’est le début d’un voyage tragi-comique vers l’âge adulte, entre amitiés et trahisons, au cours duquel le jeune garçon fera la connaissance de personnages hauts en couleur, issus pour la plupart de milieux populaires.

* * *

J’appréhendais de me lancer dans cette belle brique de plus de 1000 pages – j’ai d’ailleurs coupé ma lecture à la moitié – et malheureusement non sans raison, car ma lecture a été assez laborieuse. Le roman souffre indéniablement de longueurs. J’ai le sentiment que l’auteur aurait pu raconter la même histoire avec moitié moins de pages. Peut-être est-ce dû au format de publication en feuilleton à l’époque – quoi qu’il en soit, on s’attarde sur des détails, on nous tartine des pages et des pages sur des épisodes qui auraient pu n’être qu’anecdotiques. Mon ressenti en a été impacté, et je dois dire que j’ai oscillé entre des moments où j’étais pleinement dans l’histoire et des passages où j’avais du mal à m’empêcher de ne pas sauter de pages.

Le début du roman est assez sombre, comme souvent dans les romans d’apprentissage de Dickens. Copperfield voit sa vie basculer lorsque sa mère, veuve, se remarie avec un homme tyrannique. Maltraité, rejeté par son beau-père, il est envoyé en pension. Mais représentant un coût et une gêne, il est retiré de l’école pour aller travailler dans une fabrique à Londres. Payé une misère, il connaît la pauvreté et décide alors de s’enfuir avec le projet fou de retrouver sa tante.

Le narrateur n’est autre que David Copperfield lui-même, plus âgé. Il ponctue le récit de diverses allusions à son avenir ou au souvenir qu’il garde de tel instant, telle période de sa vie. Ce recul le conduit à poser un regard pas toujours tendre avec celui qu’il était.

De la naissance à l’âge adulte, on va voir le personnage évoluer et être confronté aux épreuves de la vie. Se faisant, Dickens explore des problématiques toujours d’actualité car somme toute universelles, comme l’entrée dans l’âge adulte et la vie active, la solitude qui accompagne le premier logement, la responsabilité nouvelle de devoir subvenir à ses besoins et apprendre à gérer son budget, la recherche de sa voie professionnelle, la carrière, les problèmes d’argent.

On nous dépeint également les amours de Copperfield, puisque le jeune homme est prompt à laisser son cœur s’emballer à la première charmante fille venue. J’ai eu d’ailleurs beaucoup de mal avec Dora, la femme-enfant, absolument superficielle et puérile (d’ailleurs, à cause de son chien, elle me faisait penser aux premières apparitions de Caroline dans la série Poldark) – on a du mal à comprendre ce que David lui trouve. Mais outre le symbole des fourvoiements de David, cette personnalité frivole est aussi le reflet d’une certaine vision des femmes et de la séduction à l’époque.

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Caroline et Horace dans Poldark

Sa sensibilité et sa naïveté, en amitié et en amour, font de David Copperfiel un personnage attachant, même s’il est loin d’être parfait. Idéaliste et impulsif, il multipliera les erreurs de jugement, malgré des mises en garde avisées, et en tirera des leçons de vie douloureuses mais utiles.

Ce ne serait pas un vrai Dickens si l’auteur n’en profitait pas au passage pour dénoncer les maux de son époque, comme les conditions d’éducation dans les pensionnats, les fractures sociales, le travail des enfants, l’endettement, la cupidité des propriétaires qui font fortune en louant des taudis, le déclassement, le corporatisme et l’hypocrisie des milieux de notables, et les dysfonctionnements de la justice.

Le roman est composé de toute une galerie de personnages hauts en couleurs (plus de 70 selon Wikipédia). Chaque personnage est caractérisé par une particularité physique ou un trait de caractère, y compris les personnages secondaires. C’est autant une qualité qu’un défaut puisque c’est pour cette raison qu’ils nous marquent et qu’on les garde en mémoire (encore maintenant je les ai bien à l’esprit, ce qui est plutôt rare avec ma mémoire de poisson rouge). En même temps, ils en deviennent parfois un peu caricaturaux, et l’insistance sur leurs manies est redondante, même si j’admets que cela participe d’un comique de répétition. On a ainsi Mrs Gummidge, la veuve qui ne fait que se morfondre, l’obsession du Dr Strong pour son grand dictionnaire ou encore ou le projet de mémoires de Mr Dick perturbé par les apparitions intempestives de la tête du roi Charles. L’exemple le plus parlant est celui de Mr Micawber, éternellement endetté, sans cesse empêtré avec ses créanciers, menacé d’être envoyé en prison et promettant de prendre un nouveau départ plein de bonnes résolutions – on tourne en rond et cela a fini par me lasser.

On retrouve dans David Copperfield l’ironie de la plume de Dickens, une façon de manier l’humour sans en avoir l’air, avec des petites phrases sarcastiques, des tirades grandiloquentes, des comportements tournés en ridicule. On rit au détriment des personnages, mais ce côté doux-amer m’a laissé une impression plutôt triste. J’ai eu du mal à dépasser le drame pour aller chercher le comique. Et alors que les dialogues sont souvent là pour rendre vivant et dynamique le récit, je n’ai pas été convaincue par des échange souvent trop théâtraux et verbeux.

Finalement, parmi les nombreux protagonistes, il y a assez peu de personnages attachants. Mais quelques-uns valent le détour, à l’image de la nurse dévouée Peggotty, de son frère dont le foyer est toujours ouvert, de Traddles, fidèle ami touchant par sa résolution à atteindre ses objectifs et son travail acharné, Betsey Trotwood, tante généreuse au grand cœur, ou encore Mr Dick, simple d’esprit non dénué de sagesse et d’affection. Je regrette un aspect manichéen chez certains personnages, comme ce Mr Murdstone cruel, pervers et vénal, et à l’opposé la figure angélique d’Agnès Wickfield dont le dévouement à toute épreuve pour son père, la douceur et la bienveillance absolue à l’égard de David et de ses proches sont presque agaçantes.

David Copperfield est bien un roman d’apprentissage qui reprend tous les codes du genre. Il y un aspect très linéaire puisqu’il retrace l’histoire du personnage de sa naissance à l’âge adulte. De ce fait, on nous raconte presque tout de sa vie mais on a du mal à percevoir où l’auteur veut en venir. Le récit part un peu dans tous les sens, et il est difficile d’identifier une véritable intrigue. Certes il s’agit d’un récit de vie, mais il manque d’actions et de rebondissements. L’auteur traine en longueur pour faire advenir les choses, et lorsqu’elles adviennent elles ne sont pas forcément à la hauteur de ce que le lecteur a imaginé.

Paradoxalement, là où certains éléments auraient pu donner lieu à de véritables péripéties, l’auteur reste assez succinct. Certains points, comme les secrets de la tante Trotwood ou les sombres desseins de Uriah Heep, auraient pu être plus creusés pour apporter davantage de dynamisme et d’action. Car Dickens sait entretenir le suspens, sur le passé trouble d’un personnage, les motivations réelles d’un protagoniste ou le devenir d’un autre. Pourtant, ces mystères sont résolus en quelques lignes ou quelques pages.

Mais je ne veux pas vous laisser croire qu’il n’y a eu que du négatif dans cette lecture ! J’apprécie particulièrement chez Dickens la façon dont il construit son histoire en glissant des indices et en faisant réapparaître des personnages que le lecteur a déjà vus, qui auraient pu être anodins mais auront un rôle à jouer dans l’intrigue. On retrouve ce procédé dans plusieurs de ses romans, et même si on finit par avoir l’intuition de la suite, cela fonctionne bien. Dans David Copperfield, le narrateur, écrivant ses mémoires, émaille son récit de réflexions a posteriori et de références au futur du personnage principal. On aura également le plaisir de croiser et recroiser différents personnages à des moments plus ou moins inattendus.

Je finirai avec un petit bémol concernant la traduction des éditions Archipoche. Même si je suis absolument fan des couvertures de la collection classiques Collector, le texte est émaillé de maladresses de traduction voire de mots laissés en langue originale sans raison apparente. Cela n’aide pas à rentrer dans la lecture !

Bref, vous aurez compris que je suis ressortie mitigée de ma lecture. Si je lui reconnais un certain nombre de qualités (et la non des moindre est d’être un récit marquant par ses personnages bien dessinés), j’ai été freinée par les multiples longueurs et le ton général. Le roman ne m’a pas tenu assez en haleine pour ne pas que je trouve le temps long durant les 1000 pages et quelques.

PS : Une nouvelle adaptation de David Copperfield vient de sortir !

6 réflexions sur “David Copperfield, Charles Dickens

  1. Ouais les longueurs c’est peut être du au fait que c’était publié comme un feuilleton mais du coup c’est peut être moins top quand tu dois tout te farcir d’un coup XD personne ne te jugera si tu sautes des pages tu sais XD
    J’ai trop envie de lire un livre de l’auteur mais je suis vraiment pas sure de commencer par celui-ci, je pense que le côté caricatural va vite me gonfler
    Kin

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