Nora ou le paradis perdu, Cecilia Samartin

couv45593080Cuba, 1956. Nora et Alicia, deux cousines très proches et complices, vivent une enfance heureuse et insouciante. Mais la révolution éclate, et Fidel Castro accède au pouvoir. Un climat de peur, nourri par la répression, s’installe peu à peu. Nora émigre alors aux États-Unis, laissant Alicia derrière elle, qui s’apprête à vivre des heures sombres à La Havane. Tandis que Nora, bien nostalgique de son pays natal, s’accommode peu à peu de cet environnement nouveau, Alicia subit les coups durs, dans un Cuba où la situation se détériore. Grâce aux lettres qu’elles continuent d’échanger, Nora comprend que la vie d’Alicia est devenu un enfer. Elle décide alors de retourner à la Havane pour lui venir en aide. Mais ce qu’elle va découvrir à Cuba est bien loin de tout ce qu’elle pouvait imaginer.

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Nora ou le paradis perdu mêle la petite histoire et la grande. A travers ses personnages, il nous emmène à Cuba et nous fait percevoir la vie sous le régime castriste.

Le roman s’ouvre sur l’enfance de Nora et Alicia à Cuba : les couleurs, la plage, la musique, la cuisine, la famille, les traditions, la religion. La parenthèse enchantée s’interrompt brutalement lorsqu’éclatent les troubles militaires et politiques. Nora quitte Cuba avec sa famille en 1962. A cette époque, elle ne sait pas encore qu’elle ne reviendra pas avant 1981. Elle ne verra pas non plus à quel point la situation se dégrade à Cuba et la lente plongée d’Alicia dans la misère et la souffrance. Jusqu’au moment où, des années plus tard, elle retournera dans un Cuba qu’elle ne reconnaît plus, pour venir en aide à sa cousine.

Tout au long du récit transparait l’amour de Nora pour son pays, un paradis dont le régime a fait un enfer. L’espoir de retourner un jour chez elle ne la quitte jamais. A partir de l’obtention ardue de visas et le départ clandestin, la jeune fille fait face à la réalité compliquée de l’immigration aux Etats-Unis, en particulier la pauvreté et le manque du pays. Aux conditions de vie et au problème d’intégration s’ajoute le conflit identitaire et le sentiment d’impuissance face aux quelques nouvelles, peu réjouissantes, qui lui parviennent du pays quand elles passent la censure. Nora est constamment déchirée entre son pays d’accueil et son pays d’origine, et avec lui son lien avec Alicia qu’elle a du laisser derrière elle. L’auteur nous parle ainsi du déracinement et de la crainte de perdre ses origines (et le ressentiment de voir que les plus jeunes, américanisés, oublient d’où ils viennent). Lors de son retour à Cuba, Nora sera prise du sentiment d’être devenu un étranger dans son propre pays et de doutes quant à son futur aux Etats-Unis.

Du côté d’Alicia, c’est une terrible déchéance, difficile à supporter même pour le lecteur. Elle qui était la plus jolie, celle que tous enviaient et vers qui les hommes portaient leur regard, va connaître la douleur, la précarité, la crainte pour sa vie et celle de sa famille. Et en même temps, on ne peut que comprendre ce qui la retient dans son pays. Son histoire témoignera aussi des revers de l’idéologie et de la désillusion quand la vérité parait sous les beaux discours.

Avec Nora ou le paradis perdu, j’ai appris énormément sur l’histoire de Cuba et sur ce que cette période a pu représenter pour ses habitants. C’est terrible de voir la souffrance de la population, opprimée par un gouvernement aveugle prêt à tout dans sa lutte contre l’occident. Enfermé dans son propre pays, le peuple semble condamné à supporter la surveillance, l’intrusion permanente et le dirigisme du gouvernement et à vivre dans la misère et la violence.

Cécilia Samartin signe là un roman bouleversant, douloureux et révoltant. Jusqu’aux dernières pages, on retient son souffle, on craint un nouveau désastre, on espère un peu de réconfort pour les personnages dans tout ce malheur. A travers l’histoire de Nora et d’Alicia, l’auteur évoque la dureté de la séparation, mais aussi la force de l’amitié entre les deux jeunes femmes, leur courage, leur force de résistance et d’endurance à l’épreuve, leur faculté à garder espoir.

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En bref un roman fort sur le destin cruel de deux jeunes femmes séparées par l’exil. Il plaira aux amateurs d’histoire, aux curieux de la vie cubaine et aux âmes sensibles [quoique, votre sensibilité risque bien d’être heurtée par les épreuves que traversent les personnages !].

PS : Je vous glisse pour termienr un extrait de la chronique de My Pretty Books, particulièrement juste :

Je suis toujours très émue de lire sur le sujet du déracinement, de l’immigration. De lire sur ces personnes qui quittent leur pays, leur maison pour tout simplement pouvoir vivre libres. C’est, je crois, le cœur de ce roman. Cette sensation de ne plus être chez soi nulle part, d’avoir une partie de son cœur qui est restée ailleurs. Nora et Alicia représentent cela parce que leur séparation et l’amour qu’elles se portent conduisent à cette histoire qui nous révolte autant qu’elle nous bouleverse.

[Lu dans le cadre du Prix littéraire des chroniqueurs Web 2017 ]

Verdict Coup de coeur

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