Le confident, d’Hélène Grémillon

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Au milieu des mots de condoléances qu’elle reçoit à la mort de sa mère, Camille découvre une étrange lettre envoyée par un expéditeur inconnu. Elle croit à une erreur mais, les semaines suivantes, une nouvelle lettre arrive, tissant le roman de deux amours impossibles, de quatre destins brisés. Peu à peu, Camille comprend que cette correspondance recèle un terrible secret qui la concerne.

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Après avoir passé pas mal de temps à lire du YA et des classiques, je sors enfin les romans contemporains de ma PAL…et avec plaisir !

Hélène Grémillon nous plonge au cœur d’un terrible secret de famille sur fond de Seconde guerre mondiale. Encore un énième roman historique sur la guerre, me direz-vous. Eh bien non justement, car ici la guerre sert plutôt d' »ambiance », de toile de fond à l’histoire personnelle. Le récit pourrait presque se passer à une autre période, et en même temps on retrouve un contexte, celui de Paris sous l’occupation, celui de la fuite vers le sud de la France (zone libre), celui des morts innocentes, qui vient ajouter du drame au drame, du clandestin à ce qui est déjà caché. L’époque trouble de la guerre et de l’immédiate après-guerre, c’est aussi ce qui peut expliquer les silences, les souvenirs dissimulés, les non-dits au sein d’une famille, car ce qui s’est passé pendant la guerre et l’occupation (même s’il n’a pas de lien direct) y reste.

Le roman se présente sous forme d’un récit enchâssé : Camille reçoit plusieurs longues lettres de Louis, un mystérieux inconnu qui lui parle d’une pas moins mystérieuse Annie et de Madame M. La forme épistolaire rend la lecture agréable, dynamique. L’écriture est fluide, simple mais plaisante. Le passé alterne sans cesse avec le présent, tandis que Camille se demande qui est Louis et pourquoi il lui raconte toute cette histoire.

On devine parfois facilement certains éléments de l’histoire, les tentatives de « faux suspens » paraissent assez vaines, mais passé ce petit défaut, on se laisse néanmoins surprendre. Les personnages du récit, surtout Louis et Annie, sont attachants, d’autant qu’on sent qu’un drame va se produire, un drame contre lequel on ne peut rien puisque leurs destins sont déjà scellés depuis longtemps.

Mais toute la force et l’émotion du roman se dégagent d’un autre thème : les personnages nous délivrent un témoignage poignant sur l’infertilité et le désir d’enfant insatisfait. On ne peut qu’être horrifié des pratiques de l’époque (notamment la pseudo-médecine pour guérir l’infertilité), de l’ignorance sur ce sujet et des réflexions faites aux femmes stériles. Bien que je ne sois pas en âge de penser à avoir des enfants, c’est une question qui m’a énormément touchée. Certes, les couples rencontrant des difficultés pour avoir des enfants n’ont pas à subir autant de supplices et les progrès de la médecine permettent de résoudre beaucoup de choses, mais en lisant des témoignages, on se rend compte que c’est un problème dont souffrent encore de nombreux couples. Hélène Grémillon nous met dans la peau de ces personnes que finalement toute la société juge (car quoi de plus normal que d’avoir un enfant ?), que ce soit par des regards, des questions banales du type « et à quand le bébé ? »,  des commentaires ou des suggestions que l’on se permet sans savoir les difficultés que peuvent rencontrer un couple (ou, d’ailleurs, leur souhait de ne pas avoir d’enfants) et qui ne regardent qu’eux.

J’ai bien aimé la résonance entre cette situation d’infertilité et celle, présente, de Camille, enceinte « accidentellement » sans vraiment avoir de lien avec le père. Cela montre bien toutes les facettes des situations de maternité, jamais faciles.

Le roman aborde également le sujet très polémique des mères porteuses. Personnellement je ne cacherai pas le fait que je suis absolument contre, estimant qu’une femme ne pourra jamais être réduite à un utérus et qu’il est impossible de porter un enfant sans s’y attacher, sans éveiller un instinct maternel et un lien incomparable.

Le confident raconte enfin les horreurs terribles qu’une femme peut commettre et jusqu’où elle peut aller pour son obsession. La force de l’auteur est qu’elle ne cherche pas à excuser son personnage. En tant que lectrice, il m’a été impossible de ressentir, à la fin du récit, une quelconque empathie pour pardonner cette femme. Hélène Grémillon tourne donc son récit de manière neutre, sans prendre parti pour l’un ou l’autre : elle raconte simplement l’évolution d’une idée qui parait innocente et finit par devenir un poison causant la folie.

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En bref (et en m’excusant par avance pour cette chronique-plaidoyer ^^ ), Hélène Grémillon signe un court roman doté d’un fort ressort dramatique, une histoire de famille pleine d’amour et de haine, en parallèle d’un témoignage sur l’infertilité. Vous ne pourrez qu’être touchés par ces quatre destins entraînés dans une même tragédie.

Verdict Un bon moment

4 réflexions sur “Le confident, d’Hélène Grémillon

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