La nurse du Yorkshire, Stacey Halls

Si j’ai craqué sur ce livre d’abord pour sa couverture magnifique et sa renommée sur les réseaux sociaux, sa lecture ne m’a pas déçue, bien au contraire !

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Je commencerai par un détail qui m’a dérangée, même s’il ne remet pas en cause mon appréciation du roman. Je n’ai pas bien compris le choix de l’auteure de débuter le récit de la nurse avec son expérience auprès d’une première famille, qu’elle va quitter quasiment immédiatement. Il me semble que ce premier chapitre n’apporte pas grand chose, sauf pour ce qu’il nous dit de la situation de fragilité de la nurse, qui ne peut démissionner une deuxième fois au risque de débuter sa carrière par deux échecs (mais une simple mention de l’historique aurait pu faire l’affaire ?). Bref je m’attarde sans doute trop sur ce point mais cela peut amener de la frustration car on s’imagine suivre cette première famille pour finalement ne plus en entendre parler.

Lorsque débute l’histoire, donc, la première expérience de Ruby s’est arrêtée précipitamment et la jeune fille recherche désespérément un emploi auprès d’une nouvelle famille. C’est dans ces conditions qu’elle arrive au château de Hardcastle, où elle aura à s’occuper des quatre enfants England. Elle nous est immédiatement attachante, on la sent passionnée par son métier et concernée par le bien-être des enfants dont elle a la charge, mais aussi un peu naïve en raison de son jeune âge.

Le point fort du roman est sans aucun doute l’ambiance que l’auteure installe. La Nurse du Yorkshire est un roman historique au style gothique, qui nous fait presque basculer dans le thriller par moment. Dès le départ, on sent, comme la narratrice, que quelque chose ne va pas dans cette famille et que, sous le vernis, se cache une vérité plus sombre, voire un danger. Une atmosphère inquiétante flotte ainsi sur le récit et nous tient en haleine. Paradoxalement, c’est en réalité le dénouement que j’ai trouvé un peu long, car passé l’évènement final qui vient clôturer le pic de tension narrative savamment entretenue tout au long du roman, on a encore presque 40 pages, là où un court épilogue aurait suffi.

Le personnage de M. England est bien construit, tout en ambiguïté, même si son profil de prince charmant, à l’allure séduisante et aux manières affables, ne nous dupe pas complètement. Et alors que l’auteure commence à nous faire croire qu’une romance pourrait se dessiner entre le maître de maison et la jeune nurse, le récit va dévier de cette trajectoire. Stacey Halls démontre un indéniable talent de narration et une capacité à s’amuser avec le lecteur pour le conduire sur des fausses pistes.

Quant à Mme England, épouse effacée, dont la présence fantomatique et le comportement étrange ne sont pas sans rappeler les figures féminines dans Jane Eyre et Rebecca, elle constitue le grain de sel dans le tableau de la famille parfaite. Le lecteur a d’emblée un jugement plutôt défavorable envers elle : une mère absente, qui ne montre aucun signe d’affection envers ses enfants, une épouse distante, qui n’assume pas son rôle de maîtresse de maison et semble être un fardeau pour son mari… L’essentiel du mystère est donc porté par ce personnage, dont on ne sait trop si elle est folle ou simplement négligente, si l’on doit la condamner ou la prendre en pitié.

La nurse du Yorkshire fait partie de mes coups de cœur de l’automne. Le roman prend son temps pour poser son décor, faire monter la tension et dévoiler ses secrets, et c’est ce qui m’a plu. Ce qui pourrait n’être que le quotidien d’une nurse anglaise au début du XXème siècle (et en amatrice de roman historique, cela ne m’aurait pas déplu !) devient un roman à suspens qui permet d’aborder des sujets de société forts et bien actuels.

La jaquette du roman présente Stacey Halls comme « la nouvelle voix féministe du roman historique », et en effet, féministe, ce roman l’est à plusieurs égards. Il met en scène des personnages féminins qui font preuve de force de caractère et de courage. Face à ce que les femmes peuvent subir, dans une société qui les place dans une condition inférieure, il prône la sororité comme moyen de résistance.

Charmée par le style de l’auteure et la construction de son histoire, je vais m’empresser de découvrir ses autres parutions !

5 réflexions sur “La nurse du Yorkshire, Stacey Halls

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