Au début des années 1930, la jeune Marie est forcée de quitter sa Frise natale et est envoyée par son père, opposé à sa relation avec un protestant, auprès de ses frères installés à New York. Après un temps d’adaptation difficile, elle entreprend de conquérir la ville grâce à une recette de cheesecake qu’elle adapte avec les ingrédients locaux. Soixante-dix ans plus tard, Rona, sa petite nièce est en pleine crise professionnelle et personnelle lorsqu’elle lui rend visite. Marie lui raconte alors l’histoire de sa vie et lui confie avant son retour la recette du fameux cheesecake lui offrant ainsi la possibilité d’un nouveau départ.
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Je vous retrouve pour une nouvelle chronique avec le roman gourmand de l’été. Croyez-moi, vous ne pourrez pas vous empêcher de manger du cheesecake à la fin de votre lecture !
J’ai eu un peu de mal à entrer dans le roman, qui n’est clairement pas le livre le mieux écrit que j’ai lu – à moins que le problème ne vienne de la traduction. Mais soit, nous sommes dans l’univers de la chick-litt, alors passons outre !
Le roman débute en 2002 à Long-Island. Marie Wiemke, une vieille dame de près de 90 ans, ressent le besoin de revoir sa famille. Elle invite son frère, resté en Allemagne, à venir la voir à New-York, accompagné de sa petite nièce, Rona. Les retrouvailles vont permettre à Marie de remonter dans les souvenirs pour transmettre son histoire et sa fameuse recette de cheesecake.
Le roman est ainsi construit en alternant la temporalité. On suit Marie, alors jeune fille, lors de son arrivée à New-York et la construction de sa nouvelle vie de 1932 à 1936. Dans le présent, Rona trouve dans l’histoire de sa grand-mère la matière pour mener une réflexion sur sa propre vie, en particulier ses choix professionnels et amoureux.
Le procédé narratif consistant à alterner deux périodes historiques – et donc deux récits parallèles – me plait d’ordinaire, mais je crois qu’il commence à me lasser à force de le retrouver partout. Surtout, à mon sens, il doit être utilisé à bon escient et servir à un but précis. Or là, l’histoire au présent, et en particulier les déboires professionnels et amoureux de Rona, est peu intéressante et n’apporte pas grand chose. Le deuxième récit est moins travaillé, on tombe dans le cliché feel-good du changement de vie/nouveau départ/retour aux sources, et un poil dans la niaiserie avec la romance finale.
C’est dommage parce que finalement l’histoire de Marie se suffisait à elle-même et les passages où Rona la questionne et met le récit en parallèle avec sa propre situation ne font que retarder ce qui nous intéresse vraiment. Surtout, ce procédé est artificiel puisque le narrateur, censé être Marie racontant son histoire à sa petite nièce, entre dans les détails des descriptions, des dialogues ou des moments intimes. Puisqu’on en est aux critiques, le roman souffre de quelques longueurs (574 pages me semble étonnamment long pour le genre feel-good) et de répétitions (une fois qu’on a compris que le cheesecake résout les maux, on tourne un peu en rond !). Et globalement, il y a assez peu de surprise, même si l’on peut garder un doute sur l’issue amoureuse.
L’histoire de Marie débute par un amour contrarié. Elle est envoyée subitement en Amérique par son père lorsqu’il découvre sa relation avec un protestant. Solution radicale pour séparer un couple ! Pourtant, la jeune fille restera fidèle à son fiancé lointain jusqu’à leurs trouvailles, peu importe le temps qu’il faut. J’ai été sensible à la thématique de l’amour à distance, assez bien traitée, et touchée par la fidélité de cette femme prête à sacrifier les meilleures années de sa jeunesse pour son premier amour. Le roman n’omet pas les soucis engendrés par cette situation, en abordant le manque, la difficulté de conserver un lien et une complicité malgré la séparation, et les désillusions lorsqu’on réalise que les retrouvailles que l’on a tant désirées ne sont pas idéales et que chacun change.
Outre cet aspect, le sujet principal annoncé par le titre est bien sûr la pâtisserie. Si le cheesecake est certes un prétexte à l’histoire, il joue pourtant un rôle clé dans le récit. C’est là que j’ai trouvé que la tonalité feel-good poussait le bouchon un peu loin, en exagérant les vertus d’un gâteau sur les humeurs et les différends familiaux. Quoi qu’il en soit, Sylvia Lott nous donne l’eau à la bouche avec cette recette secrète et les descriptions d’extase lors des dégustations ! Le cheesecake est ce à quoi se raccroche Marie lorsqu’elle arrive à New-York. Cela va devenir sa marque de fabrique, sa plus-value et une partie de son identité, jusqu’à déterminer, directement ou indirectement, son avenir professionnel et personnel, et constitue in fine un moyen de découverte de soi, d’épanouissement. Le cheesecake est un fil rouge du roman, il va être à l’origine de rencontres et de tensions (notamment parce qu’elle suscite des convoitises et que certains sont prêts à tout pour l’obtenir). Il constitue aussi un des fondements de la relation entre Marie et Rona, puisque vient le temps de la transmission.
J’ai beaucoup aimé plonger dans le New-York des années 30. Le roman évoque, comme dans Brooklyn, l’immigration aux Etats-Unis : la traversée de l’Atlantique en bateau, les premiers chocs culturels, les petits boulots, la distance avec sa famille restée en Allemagne et le cocon familial recréé à Long Island [c’est intéressant de voir comment les immigrés de chaque pays reconstruisent une communauté, allemande, irlandaise, italienne…]. Je regrette le détail du nazisme qui surgit dans le récit, la faute à la période (années 30), sûrement. Cela dit, c’est dommage de ne pas pouvoir parler de l’Allemagne sans faire d’un personnage un nazi en puissance.
New-York représente aussi l’émancipation pour les femmes originaires d’une Europe encore très conservatrice. La pâtissière de Long Island évoque ainsi indirectement la condition féminine et nous donne l’occasion de constater les changements qui se sont opérés entre les deux générations. Marie débarque sous le chaperon de ses frères, chargés tant de la guider dans l’immensité new-yorkaise que de l’encadrer. Mais elle tient à travailler, même s’il faut qu’elle aille à l’usine, pour gagner son autonomie financière. Et peu à peu, elle s’affranchit de l’autorité fraternelle, sort avec son amie dans les jazz club, fréquente les speak-easy, adopte la mode américaine, même s’il faut dépasser un stade de surprise voire de désapprobation de la part des « Wiemky ». Parce que son talent de pâtissière fait d’elle un élément incontournable du restaurant familial, elle investit son temps et son énergie, quitte à ne pas compter ses heures de travail. Mais elle prend conscience peu à peu qu’elle doit apprendre à construire sa propre voie et ne pas penser qu’à soutenir ses frères.
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En bref, une histoire gourmande qui, au-delà de la pâtisserie, permet d’aborder le sujet de l’immigration aux Etats-Unis dans les années 30 et de la condition féminine. Ajoutez un brin de romance, et le tour est joué !
Un roman agréable sans être mémorable 😉
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Tout à fait !
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J’ai beaucoup aimé la plongée dans le New-York historique également mais me suis, comme toi, très peu attachée à l’intrigue du présent, même si j’ai davantage apprécié l’alternance des deux époques (y étant sans doute moins habituée, je n’ai pas cet effet de lassitude qui te marque^^). Comme tu le dis, c’est surtout toute la trame historique et émancipatrice qui donne de l’intérêt à ce roman, la romance n’étant de toute façon pas mon fort personnellement.
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La romance apporte sa petite touche qui n’est pas pour me déplaire mais oui clairement elle est loin d’être le point le plus intéressant de l’histoire ^^
Je n’avais pas cette impression de déjà-vu avant, j’ai du enchainer trop de lectures avec ce procédé, parce qu’il me plait bien d’ordinaire ! Ou alors les auteurs l’utilisent de plus en plus, à voir ^^
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J’ai beaucoup aimé ce roman lu l’an dernier mais effectivement j’ai largement préféré l’histoire de Marie à celle de Rona. Je trouve que le roman nous emporte bien dans l’ambiance et le contexte historique des Etats Unis des années 1930.
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Oui il réussit à nous faire voyager dans l’espace et le temps !
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Histoire alléchante c’est le cas de le dire^^ Je me laisserais bien tentée. Je ne connais pas cette période des Etats-Unis, et aime les romans s’y déroulant. Avoir une histoire à deux voix est un bonne idée et donne du rythme au roman. Cela doit être intéressant d’avoir le point de vue de deux générations sur New-York ! ça me fait penser au livre que je viens de finir (et que je recommande!) : La Ferme du Bout du Monde. En effet, c’est aussi une histoire familiale, où l’on navigue entre 1944 et de nos jours. Là le lien n’est pas un gâteau mais on s’en approche : une ferme-auberge (et les scones maison ^^) en Cornouailles. La petite-fille de la « propriétaire » revient y séjourner quelque temps et on découvre en même temps qu’elle l’histoire de sa grand-mère. Avec un fond historique de 2nde Guerre Mondiale, mais qui sert juste de toile de fond, on est plongé dans des secrets de famille et une histoire amoureuse. Je suis donc curieuse de lire la Pâtissière de Long Island car là où tu nuançais cette idée d’aller-retour temporel, je l’ai particulièrement aimé dans mon livre. Et cela doit être intéressant de découvrir la condition des femmes aux Etats-Unis. Tu dis qu’il y a un fond de romance, du coup forcément ça me tente ^^ et puis j’adore les Cheesecake ! Je le note et vais essayer de le lire très prochainement !
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