No home, Yaa Gyasi

couv48732364Maama, esclave Ashanti, s’enfuit de la maison de ses maîtres Fantis durant un incendie, laissant derrière elle son bébé, Effia. Plus tard, elle épouse un Ashanti, et donne naissance à une autre fille, Esi. Ainsi commence l’histoire de ces deux demi-sœurs, Effia et Esi, nées dans deux villages du Ghana à l’époque du commerce triangulaire au XVIIIe siècle. Effia épouse un Anglais et mène une existence confortable dans le fort de Cape Coast, sans savoir que Esi, qu’elle n’a jamais connue, est emprisonnée dans les cachots du fort, vendue avec des centaines d’autres victimes d’un commerce d’esclaves florissant avant d’être expédiée en Amérique où ses enfants et petits-enfants seront eux aussi esclaves. Grâce à un collier transmis de génération en génération, l’histoire se tisse d’un chapitre à l’autre : un fil suit les descendants d’Effia au Ghana à travers les siècles, l’autre suit Esi et ses enfants en Amérique.

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J’avais repéré No home depuis un petit moment, grâce aux avis positifs que j’avais vu sur la blogo et parce que le thème m’intéressait (cf ma sélection de récits afro-américains). Cela tombait bien puisqu’il faisait partie de la sélection du Prix des chroniqueurs Web. Malheureusement, le roman n’a pas répondu à mes attentes.

Je pense que ma déception vient du fait que j’avais mal anticipé le contenu. Je m’attendais à un roman sur le thème de l’esclavage à travers une famille (parents – enfants – petits-enfants). Or, en réalité, No home se place dans une perspective beaucoup plus large : du XVIIIème siècle à nos jours, il suit les descendants d’esclaves et de marchands d’esclaves, un peu à la manière d’un arbre généalogique. J’ai trouvé le projet de l’auteur intéressant. Il montre ce qu’ont subi les Africains et Afro-Américains au fil des siècles, de l’esclavage à la ségrégation, puis au racisme, aux inégalités socio-économiques et aux problèmes de drogue dans les banlieues nord-américaines. On voit l’impact de la vie d’une personne sur les générations suivantes, mais aussi la manière dont la mémoire d’une famille se construit et le souvenir des ancêtres demeure. Le roman aborde aussi les thèmes du mariage forcé, de la maternité et de l’exclusion. D’un point de vue plus politique, il questionne les alliances militaires et les rapports de force entre Blancs et Noirs en Afrique.

Mais voilà, si je reconnais la valeur de l’ambition de l’auteur et le travail qu’elle a accompli, je n’ai pas apprécié le roman en tant que tel. C’est vrai qu’en général, je ne suis pas fan des grandes fresques familiales et historiques en littérature. Pour ne pas déroger à la règle, je me suis complètement perdue dans les générations et les filiations. J’avais du mal à situer les époques, l’identité et les liens entre les personnages, le contexte géographique et politique. J’ai aussi eu du mal avec les rapports ente Ashantis et Fantis. Finalement, j’ai poursuivi ma lecture sans trop chercher à savoir qui était qui par rapport à qui.

Le réel problème, à mon sens, c’est la variation entre les chapitres. Chaque chapitre est consacré à un personnage dans la descendance : cela commence à Effia, puis son enfant, et cetera. On a ainsi un énorme saut dans le temps (voire dans l’espace) entre les chapitres et j’avais le sentiment d’attraper des bouts de la vie de chaque personnage sans jamais avoir son histoire en entier. Les chapitres ne nous laissent pas le temps d’approfondir le récit de chaque membre d’une génération, et je trouve cela vraiment dommage. Ces ellipses temporelles sont frustrantes, surtout que certains personnages m’intéressaient plus que d’autres et que je m’attachais à leur histoire. Un peu comme si au moment où ça devenait intéressant, on vous coupait votre film. J’aurais aimé suivre plus longtemps les personnages, en savoir plus sur ce qu’ils deviendraient, mais aussi les retrouver à différents âges de leur vie. Par exemple, lorsque l’on passe d’une mère à son fils, le chapitre suivant suit le fils au même âge voire un peu plus âgé et on ne sait pas du tout comment s’est passé son enfance/adolescence ni où en est la mère. Peut-être aurait-il été préférable de se consacrer à moins de générations ? L’ensemble m’a ainsi donné davantage l’impression de plusieurs nouvelles que d’un véritable roman. Le traitement des personnages reste superficiel. J’aurais aussi  préféré que les descendants s’intéressent plus à l »histoire de leurs ancêtres et que le lien soit plus évident d’une génération à l’autre.

J’ai failli abandonner, et honnêtement, je pense que si ce n’était pas pour vous le chroniquer dans le cadre de la sélection du Prix, je l’aurais fait.

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En bref, une belle ambition de l’auteur qui n’a malheureusement pas su me toucher. A réserver à ceux qui aiment les grandes fresques familiales et historiques.

Verdict Mitigé[Lu dans le cadre du Prix littéraire des chroniqueurs Web]

10 réflexions sur “No home, Yaa Gyasi

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