Mille femmes blanches,Jim Fergus

couv58377174.jpgEn 1874, à Washington, le président américain Grant accepte dans le plus grand secret la proposition incroyable du chef indien Little Wolf: troquer mille femmes blanches contre chevaux et bisons pour favoriser l’intégration du peuple indien. Si quelques femmes se portent volontaires, la plupart des « Mille femmes » viennent en réalité des pénitenciers et des asiles de tous les États-Unis d’Amérique… Parvenue dans les contrées reculées du Nebraska, l’une d’entre elles, May Dodd, apprend alors sa nouvelle vie de squaw et les rites inconnus des Indiens. 

* * *

Voilà un des romans incontournables sur les Amérindiens. Après en avoir tant entendu parler, je l’ai enfin lu ! L’auteur a récemment écrit une suite, plus de 15 ans après la sortie du premier tome. Dans les faits, même si la façon dont le roman se termine peut avoir quelque chose de frustrant, il n’appelait pas de suite selon moi. Ce qui ne veut pas dire que je ne lirai pas La vengeance des mères, qui peut être plaisant en lui-même !

Sans plus de suspens, je peux tout de suite vous annoncer que j’ai adoré, et bien plus que je ne m’y attendais ! Je n’ai pas vu les pages se tourner ! Mon intérêt pour les Indiens d’Amérique s’est surtout éveillé en L3, quand je suivais un cours d’histoire de l’Amérique du Nord. J’ai été frappée de constater à quel point les sources dont on disposait sur ces différents peuples étaient maigres. Et comme la fiction est malgré tout plus agréable à lire que des bouquins d’histoire, quoi de mieux pour en savoir plus que de se plonger dans un bon roman ?

N’ayant pas vraiment lu le résumé, je m’attendais à une histoire d’Indiens, racontée par un(e) Indien(ne). Quelle ne fut pas ma surprise quand j’ai réalisé que le roman était le journal d’une Blanche ! La particularité du roman est donc que, malgré le thème, il ne s’agit pas purement d’une histoire de Cheyennes, et c’est pour cette raison qu’il peut plaire au plus grand nombre, même aux personnes qui ne sont pas particulièrement passionnées par le mode de vie et les coutumes amérindiennes.

Comme toujours dans ces cas-là, le roman est d’autant plus frappant qu’il est inspiré d’un fait bien réel. En 1874, le président américain promet de donner mille femmes blanches volontaires comme épouses aux Cheyennes, afin d’assurer la survie du peuple et de favoriser l’intégration des Indiens. Volontaires, ces femmes appartiennent aux marges de la société américaine : célibataires prêtes à tout, audacieuses en quête d’aventure, femmes sans famille, désireuses d’échapper à un passé trouble ou encore issues d’hôpitaux psychiatriques ou de pénitenciers. En somme, toutes celles dont on ne veut pas ou qui ne cadrent pas avec les normes. Bien sûr, de cela, les Cheyennes ne sont pas au courant, mais ce n’est pas la première fois que les Blancs interprètent à leur manière un accord…

Déjà figures marginales, les futures « squaw blanches » deviennent l’objet de railleries et de mépris non dissimulé dès lors qu’on apprend l’objet de leur mission, désapprouvée par la majorité de la population. Il faut être folle, désespérée ou sans vertu pour accepter de vivre avec les Indiens et leur donner des enfants ! Parmi ces femmes, le roman suit la voix de May Dodd, internée de force par sa famille qui n’approuve pas qu’elle vive avec son mari en-dehors du mariage. L’auteur prend le temps d’introduire le personnage, de nous retracer l’injustice dont elle est victime, les raisons de son départ pour les plaines indiennes et l’amour inconditionnel pour ses enfants qu’elle espère revoir un jour. Ce prélude à la vie proprement indienne la rend d’autant plus touchante, sans compter un début de romance qui ravit nos petits cœurs de lecteurs.

Mille femmes blanches, c’est donc bien la rencontre entre deux cultures radicalement opposées mais que les futures épouses vont tenter malgré tout de rapprocher. Jim Fergus dresse le portrait de plusieurs de ces femmes, particulièrement attachantes : leur courage et leur force, leurs efforts d’adaptation, leur respect pour une culture différente qui leur semble souvent logique et loin des clichés de barbares véhiculés par les Américains blancs, leurs tentatives pour se mêler, apprendre la langue et se faire accepter par leur nouveau peuple, leur cheminement vers une nouvelle vie et finalement leur goût pour les étendues sauvages. Il retrace également l’amitié qui les unit et leur permet de survivre, leur soutien mutuel, leur appréhension de l’inconnu, leur résistance osée face à des pratiques misogynes, leur rejet des violences, leurs souffrances et les actes cruels dont elles sont parfois victimes, leurs sentiments naissants pour un mari qu’elles n’ont pas choisi mais qu’elles finissent souvent par admirer voire aimer malgré tout, leur croyance en leur mission et au message de paix et de réconciliation entre les peuples que portent leurs futurs bébés.

Du point de vue de l’intérêt plus historique du roman, il dépeint parfaitement les relations ambigües entre les Indiens et le gouvernement américain, faites de guerres, d’alliances, de commerce et de traités enfreints. Les missionnaires sont particulièrement effrayants de fanatisme. Jim Fergus évoque aussi le déclin des Indiens, certains déjà cloîtrés dans les réserves, d’autres alcooliques aux abords des villes, les derniers survivants luttant pour la préservation de leurs terres et leurs coutumes. On ne peut qu’être horrifié du triste destin de ces peuples, de la manière dont ils sont traités par les Américains déterminés à les convertir ou les acculturer, leur refusant le simple droit de vivre librement sur leurs terres.

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En bref, un formidable et poignant témoignage de ce fait historique étonnant, doublé d’un portrait fidèle du mode de vie cheyenne et du traitement dramatique infligé par le gouvernement américain.

Verdict Coup de coeur

18 réflexions sur “Mille femmes blanches,Jim Fergus

  1. Superbe article. Et un grand merci pour cette découverte dont j’imagine qu’elle ne pourra que m’enchanter à la lecture ; comme toi, je suis intéressée par l’incroyable culture des natifs d’Amérique. Et révoltée aussi, de l’abandon et le mépris dont ils ont été l’objet tout au long des décennies. Mais c’est là une autre histoire, un autre sujet.

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    • Merci ! Je comprends tout à fait ton sentiment, ça semble incompréhensible comme on a pu traiter un peuple de cette manière. Le pire a mon sens est qu’on ne cesse de parler de la colonisation en Afrique et en Asie, alors que le même phénomène, d’une ampleur encore plus grande, est totalement laissé de côté dans la mémoire collective !

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  2. L’un des mes livres favoris. Après cette lecture, j’ai rêvé tant de fois de vivre une telle aventure (malgré tous les aspects révoltants que cette histoire aborde, le récit donne au lecteur l’envie d’évasion). Je n’ai pas encore lu la suite, mais il est certain que je finirai par la lire 🙂
    En tout cas, tu m’as donné l’envie de replonger dans ce livre avant de découvrir La Vengeance des mères.

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