Les mystères de la forêt, Ann Radcliffe

Cela faisait longtemps que je voulais découvrir les œuvres d’Ann Radcliffe, incontournables de la littérature gothique. Dans mon programme de classiques pour 2023, j’avais donc choisi Les mystères de la forêt.

Pierre de La Motte quitte en hâte Paris avec sa femme et leurs domestiques, sans-le-sou, fuyant ses créanciers et d’éventuelles poursuites judiciaires. Sur la route, ils font halte en pleine nuit dans une petite maison, qui s’avérera être un repère de bandits, où une jeune fille est retenue prisonnière. Pour repartir libres et sains et saufs, ils acceptent de prendre avec eux la jeune fille et de la mener loin, dans un lieu où elle ne pourra être retrouvée.

Ainsi débutent le roman et la fuite éperdue des personnages qui va les conduire loin du monde, au cœur d’une forêt, où ils trouveront refuge dans une abbaye abandonnée.

La première partie du roman tient ses promesses d’une ambiance gothique, grâce aux descriptions fournies de l’auteure. L’arrivée de nuit dans l’abbaye en ruines m’aurait probablement aussi effrayée ! Et alors que les personnages investissent progressivement les lieux, un je-ne-sais-quoi d’étrange continue de flotter dans l’air et l’on commencerait presque à croire que le bâtiment est habité par des fantômes, comme le raconte la légende, ou qu’il est utilisé pour de sombres rituels ou pour commettre des crimes… Le mystère pesant sur l’abbaye nous donne des frissons et contribue à installer le suspense, alimenté par la crainte des personnages d’être rattrapés par leurs poursuivants et découverts.

J’ai trouvé néanmoins que le potentiel de « frisson » ou de fantastique aurait pu être davantage exploité, au-delà du ressenti des personnages, par exemple avec la survenue d’évènements surnaturels ou la découverte d’autres occupants. Mais sans doute est-ce là mon regard de lectrice du 21ème siècle, habituée à des romans plus inquiétants, à la manière des thrillers, et plus dans l’action.

Je regrette surtout que l’on quitte si vite la forêt. La suite du roman est en effet plus convenue et loin de l’ambiance gothique créée par l’abbaye.

Le roman pâtit ainsi de longueurs (il fait tout de même plus de 500 pages) et se concentre sur le personnage d’Adeline. Même si le fond de l’histoire reste intéressant et que l’on s’interroge sur le devenir de cette jeune fille sans amis et sans famille, ses états d’âme, ses lamentations et ses atermoiements finissent pas lasser, sans compter ses nombreux évanouissements ! La tendance des romans de l’époque à frapper leurs personnages de mélancolie et autres maladies nerveuses me dépasse ! L’auteure y ajoute un volet lyrique, lorsqu’Adeline se met à déclamer ou à chanter de la poésie…j’avoue que j’ai sauté ces passages.

En revanche, le personnage de La Motte, s’il est loin d’être attachant, est intéressant justement parce qu’il détonne par rapport aux héros de roman. Cet homme faible, cupide, traître, que l’on a envie de mépriser, est pourtant l’un des protagonistes principaux de l’intrigue et responsable d’une grande partie des évènements qui vont se dérouler.

Le mystère sur les origines d’Adeline, sa capture, ainsi que sur les agissements de La Motte et ses liens avec le marquis de Montalt est bien mené et m’a intriguée pendant tout le récit. Le roman est finalement plutôt sombre, et en cela il se démarque d’autres romans. Il est peut-être un peu dramatique (dans l’excès à la fois lorsqu’il s’agit des malheurs qui s’abattent sur les personnages ou de la résolution finale) et on ressent également le poids de la morale – question d’époque, là aussi. Il m’a convaincue en tout cas de lire l’autre roman d’Ann Radcliffe, Les mystères d’Udolphe.

En bref, un roman gothique qui ne manque ni d’atouts ni de suspense, mais qui souffre de longueurs dans la description des pensées et des sentiments des personnages. J’aurais aimé une action un peu plus condensée et conserver le frisson du début tout au long de ma lecture.

10 réflexions sur “Les mystères de la forêt, Ann Radcliffe

  1. Haha, je viens de lire une autre chronique sur ce roman et je vois que les mêmes défauts sont soulignés, ce qui ne me surprend pas car j’avais souligné les mêmes après ma lecture des Mystères d’Udolphe. Les flots de larme, les évanouissements en tête !
    Pour le ressort « anxiogène », je pense effectivement les deux siècles écoulés ont eu un impact sur nos attentes et nos réactions face à un moment de tension.
    Bon courage pour Udolphe qui fait 400 pages de plus ! ^^

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