Les fureurs invisibles du cœur, John Boyne

On se retrouve aujourd’hui pour parler littérature irlandaise avec John Boyne, que j’ai découvert grâce à son roman Les fureurs invisibles du cœur.

Cyril Avery n’est pas un vrai Avery et il ne le sera jamais – ou du moins, c’est ce que lui répètent ses parents adoptifs. Mais s’il n’est pas un vrai Avery, qui est-il ?
Né d’une fille-mère bannie de la communauté rurale irlandaise où elle a grandi, devenu fils adoptif d’un couple dublinois aisé et excentrique par l’entremise d’une nonne rédemptoriste bossue, Cyril dérive dans la vie, avec pour seul et précaire ancrage son indéfectible amitié pour le jeune Julian Woodbead, un garçon infiniment plus fascinant et dangereux.

Balloté par le destin et les coïncidences, Cyril passera toute sa vie à chercher qui il est et d’où il vient – et pendant près de trois quarts de siècle, il va se débattre dans la quête de son identité, de sa famille, de son pays et bien plus encore.

Alerte coup de cœur pour ce roman que j’ai dévoré et qui m’a donné envie de découvrir le reste de l’œuvre de John Boyne !

Les fureurs invisibles du cœur s’ouvre sur l’humiliation subie par Catherine, bannie de sa communauté pour être tombée enceinte à 16 ans, et son arrivée à Dublin. Puis c’est son fils, Cyril, adopté par les Avery, que l’on verra grandir.

Le roman couvre près de 70 ans, pendant lesquels on suit l’histoire personnelle de Cyril, et en toile de fond l’histoire sociale et politique de l’Irlande. Car finalement, au-delà du récit individuel, le roman parle de l’homosexualité et de sa perception au sein de la société irlandaise, et à l’étranger. John Boyne signe ainsi un roman engagé, mettant en lumière les discriminations et les violences dont sont victimes les personnes homosexuelles, et l’étroitesse d’esprit d’une société irlandaise conservatrice, dominée par l’Eglise catholique.

L’intrigue est parfaitement menée. L’auteur parvient à tisser un fil rouge tout au long du livre et à se faire recroiser les personnages au moment où l’on s’y attend le moins. J’ai aimé son style littéraire, l’humour de ses dialogues, et les personnages très attachants (autant Cyril que sa mère biologique).

Chaque changement de chapitre constitue un saut dans le temps, le roman couvrant toute la vie de Cyril Avery. Ce format est intéressant parce qu’il montre l’évolution de Cyril au fil des années, de son enfance à son adolescence, puis l’entrée dans la vie d’adulte et la maturité. Le roman prend parfois un côté doux-amer : c’est la vie qui défile, et le personnage confronte ce qu’il est devenu à son enfance, partage son regard sur son passé, ses regrets vis-à-vis de certains choix qu’il a faits.

Au fil des années on assiste à la construction de son identité et l’évolution de son rapport à son homosexualité, en même temps que les évolutions sociales sur le sujet. D’abord la découverte de son homosexualité, sa passion presque malsaine pour son meilleur ami à l’adolescence, ses sorties nocturnes clandestines pour des rapports sans lendemain, sa résolution à fréquenter des femmes « officiellement » pour ne pas éveiller les soupçons. Et puis, beaucoup plus tard, comment il parviendra à s’assumer, notamment en quittant l’Irlande.

La construction du roman a quand même ses bémols, car la transition est parfois brutale entre les chapitres, et on peut regretter de ne pas voir les faits immédiatement suivants, surtout lorsque le chapitre se clôt sur des évènements dramatiques ! J’étais aussi un peu déçue de quitter certains personnages, surtout au début car je commençais à m’attacher à Catherine et ses deux amis, avant de réaliser que l’histoire ne porterait pas sur eux !

Les fureurs invisibles du cœur aborde enfin le statut d’enfant adopté de Cyril et le rapport étrange avec ses parents, qui, sans être maltraitants, ne le considèreront jamais comme un « vrai Avery », et à peine comme un enfant. J’avoue que ce n’est pas l’aspect du roman qui m’a le plus intéressée. J’aurais plutôt aimé que davantage de place soit accordée à sa mère biologique.

Je suis ressortie de ma lecture émue, et révoltée aussi devant les épreuves vécues par Cyril. Moi qui suis hétérosexuelle, j’ai pu me représenter et ressentir ce que cela pouvait être de devoir cacher qui on est au fond de soi, mentir à ses proches, jouer un rôle en public comme en privé, d’en être réduit à se dissimuler pour fréquenter des gens la nuit comme un criminel se livrant à une activité illicite, et enfin de risquer sa réputation, son travail, et même sa vie pour le simple fait d’aimer. Et j’ai réalisé combien les choses étaient simples pour moi et le privilège que cela représentait par rapport à tous les problèmes rencontrés par des personnes à l’orientation sexuelle différente de la norme. Un peu comme les discriminations dont sont victimes au quotidien les personnes noires et qu’on n’imagine même pas quand on est blanc, parce qu’on ne l’a jamais vécu et qu’on n’a tout simplement pas à se poser la question.

Certains passages des Fureurs invisibles du cœur nous font perdre un peu foi en l’être humain, au vu des comportements haineux et violents… Et en même temps le roman est un formidable appel à la tolérance, à l’acceptation de soi et de l’autre, et au respect de la dignité humaine.

4 réflexions sur “Les fureurs invisibles du cœur, John Boyne

  1. Ton avis m’intrigue énormément d’autant plus que j’ai son roman La maison des intentions particulières dédiée à l’histoire d’Anastasia que je devrais vite dévorer. J’espère ressentir autant d’émotions que toi 😉

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