No et moi, Delphine de Vigan

couv57650532Adolescente surdouée, Lou Bertignac rêve d’amour, observe les gens, collectionne les mots, multiplie les expériences domestiques et les théories fantaisistes. Jusqu’au jour où elle rencontre No, une jeune fille à peine plus âgée qu’elle. No, ses vêtements sales, son visage fatigué, No dont la solitude et l’errance questionnent le monde. Pour la sauver, Lou se lance alors dans une expérience de grande envergure menée contre le destin. Mais nul n’est à l’abri…

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Pour mon premier Delphine de Vigan, je me suis tournée vers un de ses succès qui date d’il y a quelques années déjà. Assez court, le roman se lit à toute vitesse, et on en ressort marqué, chamboulé.

Le sujet des sans-abris est rare en littérature, et il est d’autant plus fort ici que l’on parle d’une adolescente. No et moi, c’est l’histoire d’une rencontre entre deux jeunes filles. Lou a 13 ans. Enfant précoce, elle est déjà en Seconde. Ce décalage d’âge, sa naïveté, son immaturité « sentimentale » et son statut de surdouée première de la classe l’isolent. Elle a peu d’amis au lycée et du mal à établir des relations sociales. A la gare d’Austerlitz, elle croise une jeune SDF et décide de consacrer son exposé au sujet des sans-domiciles. No, qui dit avoir 18 ans mais que l’on soupçonne d’être plus jeune, est seule et vit à la rue. Ses quelques années de vie lui ont déjà fait endurer des choses horribles. Son visage creusé et marqué plus qu’il ne le devrait, son mutisme et ses vêtements sales portent une réalité que l’on devine sans oser vraiment en savoir l’histoire. Lou va apprendre à la connaître et peu à peu s’attacher à elle jusqu’à construire une véritable amitié.

Ce roman nous fait douloureusement prendre conscience à quel point c’est terrible de ne pas avoir de chez soi, d’endroit où aller, de foyer où quelqu’un vous attend. L’histoire de No est d’autant plus touchante qu’elle est perçue à travers les yeux d’une enfant. Lou découvre avec No l’horreur du monde et toutes les choses contre lesquelles on ne peut pas lutter. Avec son innocence, elle se révolte contre cette injustice ; elle ne veut pas accepter la misère comme un état de fait. Tout semble toujours plus simple pour les enfants. La jeune fille est déterminée à venir en aide à No et à lui redonner un toit, une famille, un travail, en l’accueillant chez ses parents. Cette rencontre va la bouleverser parce qu’elle va la forcer à grandir d’un coup et à confronter ses idéaux à la réalité crue de la vie. Elle va réaliser à ses dépens que les choses ne se passent pas toujours comme on le croit. Mais son point de vue est aussi un appel pour nous, adultes, à ne pas fermer les yeux.

Lou m’a beaucoup touchée, parce que c’est une enfant en confrontation avec le monde des adultes. Elle est jeune, naïve, parfois immature, novice dans ses relations aux gens, mais en même temps intelligente avec son QI de 160 et son intérêt pour des sujets de société, et lucide sur sa situation familiale. Elle essaye de gérer des choses bien trop lourdes pour elle, des choses dont un enfant ne devrait pas s’occuper. J’ai un petit regret concernant le personnage de Lucas, qui à mon sens n’apporte pas grand chose et nous fait tomber dans le cliché de l’intello flashant sur le bad boy.

No est bouleversante, bien sûr, mais plus complexe. Il subsiste toujours chez elle une extrême fragilité, une part d’ombre liée à toutes les épreuves qu’elle a endurées.  On sent que l’équilibre précaire que les deux filles ont trouvé peut rompre à tout moment et on craint que No craque ou sombre dans d’autres démons. Et même lorsque la situation semble s’arranger, la peur de l’abandon, la peur de devoir retourner à la rue ne la quittent jamais tout à fait.

Du côté de chez Lou, tout n’est pas rose non plus. L’auteur aborde à travers sa famille un autre sujet grave, celui de la dépression. Plus globalement, Delphine de Vigan explore les relations compliqués entre parents et enfants, avec trois figures de mères absentes : la mère de Lou, dépressive, qui n’adresse plus la parole à sa fille et est incapable d’amour, la mère de No qui l’a abandonnée, et la mère de Lucas, d’un milieu social élevée mais qui laisse son fils vivre seul dans l’appartement.

Si tout cela ne vous avait pas encore convaincu, je vous dirais que j’ai été entièrement séduite par la plume de Delphine de Vigan et sa capacité à aborder des sujets difficiles en nous touchant. [Si vous avez d’autres romans de l’auteur à me conseiller, n’hésitez pas !]

 

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En bref, un roman fort qui nous interpelle sur la misère que l’on ne voudrait pas voir. Au-delà de la thématique, No et moi est l’histoire d’une rencontre, d’une amitié et de la lutte d’une enfant contre les injustices de la vie.

PS : Le roman a été adapté au cinéma en 2010.

Verdict Un bon moment

 

16 réflexions sur “No et moi, Delphine de Vigan

  1. Bonjour,je suis une fan des Delphine de Vigan même si ses livres ne respirent pas la joie de vivre.Tout est vraiment bien: les heures souteraines,d’après une histoire vraie et rien de n’oppose à la nuite.Tout est à lire.J’attends que le nouveau « les loyautés » sorte en poche.Belle journée à vous

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  2. Coucou ! C’est aussi le premier roman de Delphine de Vigan que j’ai lu et je l’ai beaucoup aimé ! Par contre, je ne te conseille pas forcément son adaptation au cinéma, j’ai été assez déçue (comme la majorité du temps pour les adaptations de livres, en fait).
    J’ai lu récemment « Rien ne s’oppose à la nuit » et c’est vraiment très poignant puisqu’il s’agit de la vraie histoire de la mère de Delphine de Vigan 🙂 (j’en avais d’ailleurs rédigé une critique sur mon blog, si tu veux aller y jeter un œil pour te faire un avis 😉 )

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    • Oh dommage pour l’adaptation ! C’est vrai qu’elles sont souvent ratées, cela dit. Généralement, les bandes annonces me dissuadent déjà de voir les films !
      Je vais jeter un œil sur ton blog dans ce cas 🙂

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  3. Je me souviens avoir lu ce livre il y a quelques années de ça ! Il n’était pas à moi, on me l’avait prêter mais je m’en souviendrai toujours. Quelque part il est marquant et poignant et je pense qu’un jour je l’achèterai pour l’avoir dans ma bibliothèque.

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