Les salauds gentilshommes – tome 1 : Les mensonges de Locke Lamora, Scott Lynch

couv46497110Dans la cité insulaire de Camorr, la vie d’un orphelin ne vaut pas cher. Doté d’un esprit vif et d’un don naturel pour la rapine, Locke Lamora a néanmoins réussi à éviter jusqu’ici la mort et l’esclavage, un luxe qu’il doit en partie au prêtre aveugle Chains. Ce dernier – qui n’est ni prêtre ni aveugle – forme à l’art du vol sous toutes ses formes une troupe de gamins des rues triés sur le volet, connus sous le nom de Salauds Gentilshommes. Des rumeurs ne tardent pas à courir sur les exploits de la Ronce de Camorr, voleur insaisissable rendu maitre dans l’art de l’escroquerie, qui n’est autre que Locke, le leader de la bande, plutôt encombré par cette réputation qui soulève la méfiance des autorités. Et voilà qu’une mystérieuse menace plane sur la cité. Une guerre clandestine risque de ravager les bas-fonds. Pris dans un jeu meurtrier, Locke et ses amis verront leur ruse et leur loyauté mises à rude épreuve. Rester en vie serait déjà une victoire…

* * *

Moi qui ne lis jamais de fantasy – du moins adulte – voilà que je me suis attaquée à un gros morceau ! A l’époque, c’était la chronique enthousiaste du Rat des villes qui m’avait donnée envie de découvrir Les Salauds gentilshommes. Je l’avais acheté dans la foulée puis prêté à mon père, fan du genre, qui a lu les trois premiers tomes avant que je ne m’y mette finalement…deux ans plus tard.

J’en retiens une lecture passionnante et foisonnante… mais pas toujours très digeste !L’intrigue est plutôt complexe et on a intérêt à s’accrocher pour ne pas s’emmêler les pinceaux. Camorr est dirigée par le Duc Nicovante, et derrière lui une sorte de mafia chapeautée par le Capa Barsavi. Ce dernier règne sur les bandes de voleurs de la cité qui lui prêtent allégeance. En vertu de la Paix Secrète, le Duc consent à fermer les yeux sur leurs activités pas très légales à condition qu’ils ne s’en prennent pas aux nobles. Locke Lamora et sa bande de salauds gentilshommes, formés par un faux prêtre aveugle, sont les plus doués des voleurs de Camorr et n’aiment guère s’encombrer de règles. Ils ciblent à loisir les riches de la cité par des coups de grande envergure et dissimulent leur richesse, tandis qu’ils déposent devant le Capa le tribut issu des maigres larcins sur des habitants plus modestes. Dernier plan en date, une vaste supercherie auprès d’un bourgeois camorrien profitant du commerce entre cités, qui doit assurer aux Salauds un solide magot. Mais une mystérieuse ombre appelée le Roi Gris s’en prend à l’entourage du Capa et aux bandes de voleurs. Cette menace bien réelle ébranle l’aplomb des Salauds gentilshommes et met en danger la bande en les plaçant au cœur d’une lutte pour le pouvoir.

J’ai été séduite par l’univers inventé par l’auteur et l’ambiance qu’il réussit à installer. Le décor, d’abord, une ville de canaux qui fait penser à une Venise du XVIIe-XVIIIe. Dans cette cité œuvre une bande d’orphelins, guidée par Locke Lamora, sorte de prince des voleurs, qui se fait un malin plaisir d’échafauder des plans pour voler les nobles, tout en se faisant passer aux yeux du peuple pour d’honnêtes prêtres dévoués au Dieu Perelandro. On suit donc cette bande de jeunes camarades, liés par leur loyauté envers leur défunt maitre, le père Chains, et aux valeurs qu’il leur a inculquées, leur amitié et leur redoutable complémentarité dans l’action. On a Locke, la tête pensante au physique peu impressionnant, Jean, le colosse, Calo et Galdo, les jumeaux aux combinaisons réfléchies, et Moucheron, le petit dernier qui fait diversion à merveille. Leur quotidien est une vie de clandestinité, faite de bagarres, de déguisements et de ruses pour amasser leur butin.  On se prend d’affection pour ces voleurs, culottés et malins, jouant de leur insolence et de leur désinvolture. En parallèle des intrigues principales, des interludes nous ramènent au temps de leur formation. On découvre l’histoire de chacun et comment ils ont appris à maitriser plusieurs langues, à acquérir les manières de la bourgeoisie, à devenir maitres dans l’art de la dissimulation, à se battre, mentir, charmer et tromper.

Tout en étant souvent dans l’humour, la malice et les plans alambiqués de la bande, le roman comporte aussi un aspect politique plus sombre, avec le Duc, le Capa, l’Araignée et les complots pour contrôler la ville. La fin, surtout, devient très vite assez noire, avec un déchainement de violence. Les personnages s’en prennent plein la figure ; il y a beaucoup de morts en peu de pages et on a l’impression qu’ils ne vont jamais s’en sortir. Ce retournement soudain assez catastrophique m’a un peu marquée dans le mauvais sens du terme : j’ai eu du mal à avoir ainsi le sort (et l’auteur !) s’acharner sur eux et la démonstration de force d’ennemis qui semblent tout puissant.

Vous l’aurez compris, le roman est prenant, mais néanmoins très – trop – dense et un peu compliqué. Je sais que c’est fréquent en fantasy, mais en tant que novice je n’y étais pas habituée et, je l’admets, un peu perdue. Certains passages sont trop lourds à mon goût, avec beaucoup de détails et des actions qui se succèdent. L’ensemble aurait gagné à être allégé. Le contexte politique, les alliances, allégeances et rapports de pouvoir ne sont pas plus clairs et j’avoue n’avoir pas tout compris et sauté quelques paragraphes.

Et quelle longueur ! 700 pages dans une écriture serrée et une narration dense, sans temps mort. Je ne suis pas très pavé, et là c’était trop pour moi. D’autant qu’à plusieurs reprises j’ai ressenti dans ma lecture des moments qui auraient pu parfaitement constituer la fin du tome (des coupures, des changements d’ambiance, de nouveaux plans et missions). Je n’ai donc pas compris le découpage ; l’auteur aurait largement pu faire deux livres avec ce premier tome. Cela aurait été plus léger à lire. Là, j’avais l’impression de ne jamais finir le livre. J’ai bien fait une pause, mais j’ai eu ensuite du mal à me remettre dans l’histoire en le reprenant.

Cela dit, pour rester sur une note positive, ce qui est sûr, c’est qu’on ne s’ennuie pas ! On a un entremêlement d’histoires dans une cité de faux-semblants, où la confiance affichée cache des coups-bas et où l’escroc est dupé à son tour. Riche – même un peu trop –, généreux en rebondissements, le roman tient le lecteur en haleine. Le suspens est alimenté par les plans de la bande, pas toujours connus du lecteur qui se laisse alors tromper et surprendre en même temps que les victimes.

Pour finir, la plume de l’auteur dénote : beaucoup d’audace et d’humour, mais aussi une vulgarité qui étonne par moment. Un talent certain, par contre, dans les dialogues et un sens de la répartie qui donne des échanges savoureux entre les membres de la bande et des répliques biens senties de Locke. La personnalité du personnage fait d’ailleurs beaucoup dans le roman. Charismatique, elle amène l’humour, l’ingéniosité, l’anti-conformisme, mais aussi une forme de cynisme et de résignation face à la laideur du monde. Sa volonté de protéger les siens et son sens de l’honneur nous prouvent qu’on peut être voleur sans être dénué de morale. En l’occurrence, les Salauds gentilshommes sont déterminés  ne pas se laisser faire ni à tomber dans la soumission au pouvoir. A la lecture de ce tome, de nombreux mystères demeurent autour de Locke, son passé, ses sentiments et ses intentions. J’ai hâte de lire le tome 2 pour en savoir plus !

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En bref, un roman fantasy foisonnant – voire un peu lourd à digérer – dans une cité où les bandes de voleur sévissent et où les escroqueries et les conspirations sont présentes jusqu’au sommet du pouvoir. Derrière l’audace et l’humour, on discerne une certaine noirceur dans l’aspect politique, marqué par la corruption, l’hypocrisie et la violence.

Verdict Une bonne suprise

10 réflexions sur “Les salauds gentilshommes – tome 1 : Les mensonges de Locke Lamora, Scott Lynch

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  4. Décidément, tu me tentes beaucoup aujourd’hui… Ta chronique ne fait que renforcer mon envie de découvrir cette trilogie car les points négatifs que tu évoques (la densité de l’oeuvre, sa complexité, la taille du bouquin) ne m’effraient pas ! Merci pour cette découverte ! J’ai tellement envie de tous les bouquins de SFFF que je croise que j’ai envie de l’acheter direct !

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