Si la lune éclaire nos pas, Nadia Hashimi

couv5504509.jpgKaboul est entre les mains des talibans. Depuis que son mari, considéré comme un ennemi du régime, a été assassiné, Fereiba est livrée à elle-même. Si elle ne veut pas connaître le même sort que son mari, elle doit fuir. Après avoir vendu le peu qu’elle possède, elle entreprend un voyage périlleux avec ses trois enfants, dans l’espoir de trouver refuge chez sa sœur, à Londres. Comme des milliers d’autres, elle traverse l’Iran, la Turquie, la Grèce, l’Italie et la France. Hélas, les routes de l’exil sont semées d’embûches : que devra-t-elle sacrifier pour de meilleurs lendemains ?

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Nadia Hashimi commence à se faire un petit nom sur la blogo. L’auteur, dont les parents ont quitté l’Afghanistan dans les années 1970, nous fait découvrir le pays de ses origines dans ses romans. J’ai vu en elle l’alter ego féminin de Khaled Hosseini : Si la lune éclaire nos pas m’a autant touchée que Mille soleils splendides.

La comparaison s’arrête là, car au-delà de l’Afghanistan, le sujet du roman est l’immigration. L’histoire s’ouvre sur l’enfance de Fereiba à Kaboul et nous permet d’en apprendre davantage sur la culture afghane. Ayant perdu sa mère très jeune, la jeune fille est élevée par son père et sa belle-mère. Cette dernière lui fait sentir qu’elle ne sera jamais réellement sa fille au même titre que ses enfants biologiques. Elle lui délègue les tâches ménagères, l’empêche d’aller à l’école, fait tout pour la maintenir dans un statut inférieur, honteux. Mais Fereiba va se battre pour faire valoir son intelligence et avoir le droit d’étudier. Elle parviendra à exercer un métier et trouvera finalement, dans un mari qu’elle n’avait à l’origine pas choisi, un homme bon, aimant, et une belle-famille bienveillante.

Cependant, la vie n’a pas fini de la mettre à l’épreuve. L’arrivée des Talibans à Kaboul et la guerre qui reprend de plus belle signent la fin des années heureuses. La menace des bombes, les interdictions croissantes imposées aux femmes, la difficulté de se procurer les produits de base puis la perte de son mari la poussent à fuir avec ses enfants. A partir de là commence un long et éprouvant voyage à travers l’Asie puis l’Europe : de l’Afghanistan à l’Iran, de l’Iran à la Turquie, de la Turquie à la Grèce, de la Grèce à l’Italie, puis à la France et enfin l’Angleterre, la destination visée. On la suit dans ce périple, d’abord le passage des frontières avec les passeurs qui abusent de leur détresse, puis la fatigue, la faim, l’arrivée dans l’inconnu et l’incertitude du lendemain.

J’avais peur au début de m’ennuyer, avec quelque chose de trop linéaire, mais en réalité le roman se lit tout seul. Les épreuves rencontrées par les personnages rythment l’histoire et réservent bien des surprises, pas toujours heureuses. J’ai été immédiatement séduite par l’écriture de Nadia Hashimi qui porte le récit à merveille. Surtout, impossible de ne pas s’attacher aux personnages et de souffrir avec eux. Fereiba est une véritable mère courage. Elle qui a vécu une enfance difficile, qui a fini par découvrir l’amour, il a fallu que la vie lui enlève et la contraigne à fuir son pays. Elle fait preuve d’une détermination et d’une résilience qui forcent le respect. On la sent prête à tout pour mettre ses enfants à l’abri et leur donner un avenir meilleur. Il y a également Salim, l’adolescent qui, trop tôt, est propulsé adulte et doit, comme un père, prendre la responsabilité de subvenir aux besoins de la famille. Il y a la petite Samira qui ne dit pas un mot depuis le départ, et le bébé Aziz à la santé fragile.

Pour Fereiba et sa famille, l’Europe c’est un rêve de paix, d’une vie meilleure. Consciente que tout ne sera pas facile, elle espère cependant être accueillie et trouver du soutien au vu de la situation afghane. Et pourtant, ce qu’ils vont vivre, c’est la vie de milliers de réfugiés : la clandestinité, la pauvreté, la peur de la police qui les pourchasse et menace de les renvoyer dans leur pays d’origine, l’impossibilité de trouver un travail et un endroit où dormir. Cette plongée au cœur de la situation des réfugiés est bouleversante et fait bien-sûr écho avec la Syrie. On ne peut que s’indigner que des familles soient séparées, emprisonnées, réduites à la misère parce que les Etats n’ont pas pris les mesures suffisantes pour pouvoir les prendre en charge. C’est aussi terrible de se dire que, si Fereiba et les siens avaient quitté l’Afghanistan plus tôt, comme d’autres l’ont fait, ils n’auraient pas rencontré autant de difficultés. Quant à la fin, terrible, elle nous laisse entre crainte et espoir.

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En bref, un roman bouleversant, douloureusement d’actualité, qui nous place dans la peau des réfugiés. On vit avec cette famille afghane les épreuves et les sacrifices pour parvenir à une destination qui, espère-t-elle, lui offrira enfin la chance de vivre en paix.

Verdict Un bon moment

[Lu dans le cadre du Prix littéraire des chroniqueurs Web]

8 réflexions sur “Si la lune éclaire nos pas, Nadia Hashimi

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