Je me suis tue, Mathieu Menegaux

couv52648557.png.jpgDu fond de sa cellule de la maison d’arrêt des femmes à Fresnes, Claire nous livre l’enchaînement des faits qui l’ont conduite en prison : l’histoire d’une femme victime d’un crime odieux. Elle a choisi de porter seule ce fardeau. Les conséquences de cette décision vont se révéler dramatiques. Enfermée dans sa solitude, Claire va commettre l’irréparable. Le mutisme sera sa seule ligne de défense, et personne, ni son mari, ni ses proches, ni la justice ne saisira ses motivations.
* * *
J’ai découvert Je me suis tue dans le cadre de la sélection du Prix des chroniqueurs Web. C’est un roman très court, un livre coup de poing qu’on lit d’une traite car il est impossible à lâcher.

Le récit est à la première personne. Claire est une femme de quarante ans, de milieu bourgeois, mariée et a priori sans problème particulier dans la vie, si ce n’est qu’elle commence à s’ennuyer. Depuis sa cellule de prison, elle nous raconte les évènements qui l’ont conduite là. Paradoxalement, le lecteur sera le seul à savoir toute la vérité de cette affaire, puisque Claire a choisi de se taire.
Ce choix remonte à un soir où elle est victime d’une agression. Et parce que par orgueil, par désir de ne pas être vue comme une victime, elle décide de cacher l’existence de ce fait à son mari et à son entourage, elle va s’entrainer dans une spirale destructrice qui va la mener à sa perte. Son silence obstiné, et avec lui le mensonge et le poids de la culpabilité, est terrible à observer pour le lecteur.
Le récit, façon témoignage, se veut créateur de suspens en n’amenant le déroulé des faits qu’au compte-goutte. Néanmoins, je l’ai trouvé plutôt prévisible au sens où j’avais deviné les conséquences de l’agression subie par Claire et le crime commis bien avant ses révélations. Cependant, l’auteur parvient à nous surprendre par la fin.
Mon seul regret concerne les paroles de chansons disséminées au fil du texte, que j’ai trouvé sans grand intérêt et en décalage avec la gravité des sujets abordés.
Mathieu Menegaux s’est inspiré des ressorts de la tragédie antique, dans laquelle le destin s’abat sur les personnages malgré leurs tentatives pour y échapper. C’est flagrant dans le cas de Claire, qui même quand elle pense que se taire était le bonne solution, précipite le sort. L’auteur questionne également la médiatisation des affaires, le jugement de l’opinion publique et le système judiciaire. Les juges, bien que cherchant à comprendre et soupçonnant que derrière l’acte de Claire se cache une vérité plus complexe, un mobile plus subtil, se heurtent à son mutisme. Ils sont impuissants face à une femme qui a décidé de se condamner.
Les thèmes évoqués, en particulier le désir d’enfant et les actes commis, sont durs. Je ne veux pas trop en dire pour ne pas vous spoiler [d’ailleurs, je vous conseille de ne pas lire trop d’avis avant d’entamer le roman pour éviter tout risque], mais on ne ressort pas indemne de sa lecture. L’écriture de l’auteur est forte, percutante. L’ensemble est sombre ; le tragique qui nous tient en haleine nous bouscule également. Le comportement de Claire suscite parfois l’incompréhension et le malaise. Mais finalement, l’auteur nous invite plutôt à observer les mécanismes implacables qui conduisent au dénouement qu’à juger.
Pour finir, il est impossible pour moi de classer ce roman comme je le fais d’habitude en guise de notation. Dire que je l’ai apprécié ou que j’ai passé un « bon moment » ne cadre pas avec la dureté du sujet. Quoi qu’il en soit, c’est une lecture qui marque.

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 En bref, je vous laisse avec les propos de l’auteur qui parle mieux que moi de son livre !

[Lu dans le cadre du Prix littéraire des chroniqueurs Web 2017]

11 réflexions sur “Je me suis tue, Mathieu Menegaux

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