Les saisons de la solitude, Joseph Boyden


Will, pilote indien Cree, est plongé dans le coma après une agression. Annie, sa nièce, est revenue d’un long et pénible voyage afin de veiller sur lui. Dans la communion silencieuse qui les unit, se lisent leurs drames et conflits les plus secrets. Prend alors forme une magnifique fresque, individuelle et familiale, qui nous entraîne de l’immensité sauvage des forêts canadiennes aux gratte-ciel de Manhattan.

Joseph Boyden fait partie pour moi des auteurs bien trop sous-cotés. Je l’ai découvert en 2017 avec Le chemin des âmes, un roman saisissant sur l’engagement des Indiens du Canada pendant la Première guerre mondiale. Le cadre des Saisons de la solitude est plus moderne, mais le roman repose toujours sur un récit à deux voix.

Will nous parle depuis un état de demi-conscience. Il s’adresse à ses nièces, comme pour laisser un dernier témoignage de ce qu’a été sa vie. Au fil des pages, on remonte lentement le fil de l’histoire pour comprendre pourquoi il se retrouve sur un lit d’hôpital. Au-delà du passé immédiat, des conflits locaux et des raisons pour lesquelles un homme voudrait sa mort, Will revient sur sa jeunesse et les drames de sa vie. L’histoire de Will reflète celle des Indiens de Moosonee : il dépeint la vie de trappeur dans les forêts canadiennes, le rapport à la nature et aux anciens, mais aussi les ravages de l’alcool et la gangrène de la drogue qui se propage chez les jeunes.

Son récit est teinté d’une forme de nostalgie et de lassitude. Il donne l’impression d’un homme âgé, usé par la vie et conscient que la gloire et le bonheur de sa jeunesse sont derrière lui. Le personnage de Will est touchant car on le trouve en situation de faiblesse, après une première agression qui ne sera que le début d’une série d’épreuves. On le sent exigeant envers lui-même, gagné par le sentiment qu’il faut qu’il se reprenne en main et qu’il soit à la hauteur de ses ancêtres et en capacité de veiller sur les siens, comme un chef de famille. Joseph Boyden dresse ainsi le portrait d’un homme plein de failles, marqué durablement par son agression, gagné par une angoisse dont il ne peut se défaire et en proie avec ses addictions, mais profondément humain.

En parallèle, Annie, sa nièce, se met à lui parler sur les conseils des médecins. Dans l’intimité de la chambre d’hôpital, ces visites lui permettent également de se livrer. Progressivement, on découvre comment elle est partie à la recherche de sa sœur, qui n’a plus donné signe de vie depuis qu’elle est partie à Toronto avec son petit-ami quelques mois plus tôt. Les anecdotes d’Annie révèlent son rapport ambivalent, teinté de jalousie, avec sa sœur, une mannequin sur la voie du succès, et l’origine du lien profond qui la relie à Gordon, le mystérieux homme muet qui l’accompagne. Son parcours met en évidence la fracture entre sa petite communauté de Moosonee et la grande ville, où elle découvre un autre monde, une autre culture, la liberté de pouvoir être qui elle veut mais aussi la solitude d’être anonyme parmi la foule, loin de chez elle et loin des siens. En suivant les traces de sa sœur, elle va aussi mieux comprendre ses choix et se sentir plus proche d’elle qu’elle ne l’a jamais été.

Je ne veux pas vous gâcher l’intrigue en en dévoilant trop, mais sachez que j’ai été entièrement happée par cette histoire. La plume de Joseph Boyden nous transporte immédiatement et le suspens autour de la disparition de Suzanne et l’agression de Will nous accroche jusqu’à la fin. Suzanne est-elle toujours en vie ? Qui est responsable de sa disparition ? Quel lien avec Will ? Autant de questions qui vous accompagneront pendant cette lecture !

En bref, un roman fort sur la culture indienne dans le monde moderne, le rapport à la communauté et à la famille. Récit intime où deux personnages se livrent en écho, Les saisons de la solitude sait nous tenir en haleine grâce à ses accents de thriller.

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