Le lys de Brooklyn, Betty Smith

Publié en 1943, Le lys de Brooklyn dépeint la vie d’une famille pauvre du quartier de Williamsburg au début du XXème siècle. Le roman est inspirée de la propre enfance de l’auteure.

L’histoire est racontée plus particulièrement du point de vue de Francie, une jeune fille amoureuse des livres qui se rêve écrivain. Elle aspire à faire des études mais se trouve confrontée à la réalité de sa condition, qui limite ses perspectives d’avenir.

Le roman est ainsi constitué des anecdotes de Francie, de ses souvenirs d’enfance et des moments marquants de leur histoire familiale. Les années défilent et on se laisse porter par le récit de Francie que l’on voit grandir page après page, jusqu’à devenir une jeune femme indépendante.

On trouve dans le roman la poésie de l’enfance et le regard naïf porté par la petite fille sur ses parents, mais aussi, à mesure qu’elle grandit, sa prise de conscience de l’autre visage de ses parents et de la situation familiale : l’alcoolisme de son père, la fatigue de sa mère qui s’use au travail et se prive régulièrement pour ses enfants, la misère dans laquelle ils vivent.

Et pourtant, il n’y a aucun apitoiement ni amertume dans le récit de Francie, un simple constat de ce qu’elle vit. On est marqué par sa maturité et sa prise de conscience précoce de l’injustice profonde résultant d’une société inégale, dans laquelle tout le monde ne part pas avec les mêmes chances.

Au-delà de l’histoire personnelle de cette famille, il s’agit avant tout du portrait d’une classe sociale et d’une époque, qui nous transporte parmi les quartiers pauvres en périphérie de New-York, où se concentrent les immigrés. Ce que nous décrit Betty Smith est frappant car on a du mal à imaginer un tel quotidien, où des enfants de dix ans ramassent des bouts de ferraille et des chiffons pour gagner quelques pièces, où on les retire de l’école pour qu’ils travaillent dès quatorze ans. J’ai été impressionnée par le courage des enfants et plus largement des habitants du quartier qui font face la tête haute. J’ai aussi été touchée par la dignité de la mère qui refuse la charité et, consciente de ne pouvoir transmettre une instruction à enfants, s’attache à leur inculquer des principes. Bien qu’elle ne puisse pas en faire autant qu’elle voudrait, ses actes sont guidés par son envie de leur offrir une meilleure vie. Un exemple a retenu mon attention car il le reflète bien : marquée par l’analphabétisme de sa mère, elle leur fait lire chaque jour une page de la Bible et de Shakespeare, parce qu’elle a l’assurance que c’est par l’éducation qu’ils s’en sortiront.

On ne peut que s’attacher aux personnages que l’on côtoie, que ce soient la petite Francie et son frère, leur mère, mais aussi des personnages plus secondaires, comme la tante fantasque dont la vie sentimentale est un roman à elle seule.

Malgré l’aspect plutôt volumineux et linéaire du roman, il est étonnement prenant et on ne s’ennuie pas une seconde. Dans Le lys de Brooklyn, Betty Smith nous conte la vie qui s’écoule, la sortie de l’enfance et les apprentissages parfois rudes qui l’accompagnent – et elle le fait merveilleusement bien.

Je garderai du Lys de Brooklyn le souvenir de cette petite fille vive et de son regard perspicace sur le monde, une enfant qui a soif de connaissance et aspire à davantage que ce que sa naissance peut lui laisser escompter, déterminée à s’élever par l’éducation. Tout au long de la lecture, on espère que la famille s’en sorte et que Francie réalise ses rêves. Le charme du roman provient sans doute également d’une forme de nostalgie pour l’innocence et l’imagination de l’enfance. La temporalité du récit au jour le jour, comme pour mieux cadrer avec un âge auquel le quotidien l’emporte sur l’avenir, donne le sentiment de vivre aux côtés de la famille et nous invite à tourner les pages.

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