Neuf parfaits étrangers, Liane Moriarty

Bien que cela fasse longtemps que je n’ai pas posté d’avis sur ses livres ici, j’aime beaucoup ce que fait Liane Moriarty et je lis ses différents romans au fil des sorties. Vous pouvez retrouver deux chroniques sur le blog : Petits secrets, grands mensonges et Le secret du mari.

Je dois avouer que j’ai bien du mal à suivre le rythme de parution, quasi un nouveau roman par an ! [En réalité, il s’agit du rythme des parutions françaises : après le succès des premiers livres sortis ici, les éditeurs se rattrapent et publient toute sa bibliographie, les « nouveautés » sont donc pour certains en réalité des livres écrits au début des années 2000.] J’en suis à mon quatrième roman de l’auteure avec Neuf parfaits étrangers, paru en poche en 2021.

Neuf citadins stressés, prêts pour un break dans une sublime station thermale. Le Tranquillum House leur propose, grâce à une approche révolutionnaire, de renouer avec l’énergie positive pour prendre un nouveau départ. Coupés du monde extérieur, délestés de leurs portables, tous s’attendent avec impatience à une transformation totale.
Au fur et à mesure de la cure, entre méditation, tai-chi et techniques de bien-être, les langues se délient, les secrets enfouis resurgissent, les animosités aussi. On leur avait promis la quiétude et le renouveau, c’est le lâcher-prise qui s’installe… mais pas celui auquel ils s’attendaient.

Un des reproches que je faisais aux romans de Liane Moriarty, surtout après en avoir lu plusieurs, était qu’ils se ressemblaient un peu tous, avec le même style de personnages, les mêmes thèmes : des mères de famille, des secrets, la pression sociale, les apparences que chacun préserve en société, les relations familiales ou de voisinage… Je finissais par être un peu déçue de lire des histoires qui réutilisaient les mêmes ingrédients.

Ce roman-ci est assez différent et cela m’a plu. J’ai aimé que l’auteure parvienne à se renouveler et prenne une direction où on l’attend moins. Le ton est plus sarcastique, l’intrigue se déroule en huis-clos, prenant par moment des allures de thriller.

J’avoue que la thématique de départ (un centre de bien-être où se retrouvent des personnages voulant changer de vie ou se remettre en forme) ne me parlait pas du tout. Je craignais d’avoir affaire à un roman aux frontières du développement personnel – même si cela m’aurait étonnée car l’auteure aime plutôt verser dans le suspens/drame. Le roman semble commencer ainsi, mais la tension monte progressivement et on sent que l’ambiance change, devenant plus sournoise, plus glaçante. A mesure que l’on découvre la réalité du programme, l’inquiétude des protagonistes nous gagne et on se dit que les choses pourraient vraiment mal tourner,

Si le roman a pour thème le développement personnel, c’est pour mieux railler les cures détox, la mode du jeûne, du yoga et de la méditation, toutes ces pratiques « healthy » tendance, largement superficielles, qui relèvent rarement d’un changement de mode de vie durable et d’une remise en question sincère. Liane Moriarty interroge aussi les changements de vie radicaux, qui n’apportent pas toujours le bonheur escompté.

J’ai aimé la diversité des personnages, bien qu’ils soient loin d’être attachants. Il y a Jessica et Ben, un jeune couple nouvellement riche qui traverse une crise ; la famille Marconi qui fait face à un drame ; Frances, une quinquagénaire auteure de romans sentimentaux qui souffre de ne plus être à la page et se remet difficilement d’une mésaventure amoureuse ; Lars, un avocat habitué des cures ; Carmel, une mère de famille divorcée en manque d’estime de soi, en quête d’une transformation physique ; et Tony, un quinquagénaire qui cherche à perdre du poids et se reprendre en main.

On découvre progressivement l’histoire, les traumatismes et les secrets de chacun, parfois bien différents du visage qu’ils montrent aux autres (pour le coup, cet aspect du roman est plutôt classique chez Liane Moriarty). L’introspection de chaque personnage met également en évidence les faiblesses et les complexes des êtres humains. Et finalement, ce qui ressort c’est leur banalité, car nous sommes tous confrontés à nos erreurs, nos insécurités et notre peur du jugement d’autrui, et leur futilité, en raison de notre tendance à nous focaliser sur ce qui n’en vaut pas la peine, en particulier celle de la guerre que les femmes mènent à leur corps.

En bref, un très bon roman de Liane Moriarty, qui s’empare d’un sujet tendance (le bien-être) pour en faire un huis-clos prenant, explorant au passage ce que cette mode dit de notre psychologie.

4 réflexions sur “Neuf parfaits étrangers, Liane Moriarty

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