Quand Tatiana rencontre Eugène, elle a 14 ans, il en a 17 ; c’est l’été, et il n’a rien d’autre à faire que de lui parler. Il est sûr de lui, charmant, et plein d’ennui, et elle timide, idéaliste et romantique. Inévitablement, elle tombe amoureuse de lui, et lui, semblerait-il… aussi. Alors elle lui écrit une lettre ; il la rejette, pour de mauvaises raisons peut-être. Et puis un drame les sépare pour de bon. Dix ans plus tard, ils se retrouvent par hasard. Tatiana s’est affirmée, elle est mûre et confiante ; Eugène s’aperçoit, maintenant, qu’il la lui faut absolument. Mais est-ce qu’elle veut encore de lui ? Songe à la douceur , c’est l’histoire de ces deux histoires d’un amour absolu et déphasé – l’un adolescent, l’autre jeune adulte – et de ce que dix ans à ce moment-là d’une vie peuvent changer. Une double histoire d’amour inspirée des deux Eugène Onéguine de Pouchkine et de Tchaikovsky – et donc écrite en vers, pour en garder la poésie.
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Vous ne pouvez pas savoir à quel point ça me fait plaisir de vous retrouver avec une chronique après cette longue absence ! C’est décidé, en octobre, je repars du bon pied !
Je reviens donc avec Songe à la douceur, un roman qui a beaucoup beaucoup beaucoup fait parler de lui sur la blogosphère. Je n’aurais d’ailleurs jamais pensé à le lire si je n’avais pas vu d’aussi bonnes critiques. Le projet de l’auteur est particulièrement original : il s’agit d’adapter librement Eugène Onéguine, à la façon d’une romance très contemporaine, en vers. Dit comme ça, ce n’est pas très alléchant. Et pourtant.
J’avoue qu’au départ j’étais un peu dubitative avec cette histoire de roman en vers. Mais après un petit temps d’adaptation, j’ai été vraiment séduite, transportée par cette écriture singulière. Clémentine Beauvais est sans conteste très douée de sa plume. Sa poésie bien à elle rend le roman beau, émouvant.
Je dirais même que c’est cela qui fait la vraie force du roman. Je crois avoir finalement été touchée beaucoup plus par la forme (transcrite dans les jeux de mise en page) que par le fond. En somme, l’histoire n’est pas exceptionnelle, elle pourrait se résumer aux retrouvailles d’un amour de jeunesse et des obstacles à la reprise de leur relation avortée. La romance est même par moment un peu trop lourde, avec ses rencards et ses sms. Et pourtant, grâce à la réinterprétation de l’auteur, grâce à ces passages où l’on sent l’héritage du roman russe, la coloration subtile de héros et d’une époque révolus, grâce aux choix stylistiques, elle est parvenue à me toucher.
Outre la teinte poétique, j’ai aimé les allers-retours entre le présent et le passé pour faire durer le suspens, et la présence du narrateur qui intervient régulièrement dans le récit pour nous recommander de garder telle chose à l’esprit ou de patienter avant de connaître la suite. Ce n’est pas sans rappeler le Chœur antique, avec une touche d’humour et une sorte de complicité entre l’auteur et le lecteur. Il y a d’ailleurs un décalage constant entre deux époques, entre d’une part l’écriture stylisée, poétique, et d’autre part le langage (parfois familier) et le contexte très actuels de l’histoire.
Comme je le disais, Songe à la douceur est comme une histoire d’amour ratée, celle de personnes séparées à l’adolescence qui se retrouvent des années plus tard, et, ne sachant pas vraiment comment s’y prendre, ne cessent d’hésiter, de se quitter, de se retrouver, de se perdre. J’ai eu un peu de mal avec le personnage d’Eugène dans sa version jeune, avec ses angoisses existentielles et sa froideur. Heureusement, les choses se sont arrangées dans la version adulte. Il y a une sorte d’ironie dans l’inversion des sentiments et des rapports de force entre Eugène et Tatiana. Lui qui, à l’époque, la rejetait sans remords et n’a plus pensé à elle pendant des années, se retrouve soudain obsédé par la femme qu’elle est devenue et se débat avec ses sentiments et sa jalousie illégitime. Au contraire, celle qui a été marquée par le rejet et a mis des années à l’oublier, a besoin de temps pour savoir ce qu’elle attend vraiment de ces retrouvailles.
L’auteur nous livre ainsi, à travers le point de vue de chaque personnage, une belle analyses des sentiments et de l’amour. La fin est très ouverte mais, pour une fois, je ne me suis pas sentie frustrée : il m’a semblée que c’est ainsi que le roman devait s’achever, sur une possibilité.
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En bref, un roman qui réussit son pari osé. La recherche stylistique de l’auteur a conquis mon cœur de lectrice. Il m’a vraiment donné envie de découvrir le roman original, Eugène Onéguine, lui-même écrit en vers. Je m’interroge sur la ressemblance entre les deux œuvres, puisque l’histoire de Songe à la douceur me semble très contemporaine, mais ma curiosité n’en est que plus aiguisée !
[Lu dans le cadre du Prix littéraire des chroniqueurs Web 2017 ]
J’avais beaucoup aimé ce Roman aussi quand je l’ai lu, c’était une belle surprise 🙂
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Il sort vraiment de l’ordinaire, je suis contente de l’avoir découvert 🙂
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C’est vrai qu’on a beaucoup vu ce roman un peu partout sur la blogo…il est dans ma PAL, mais pour l’instant, je me le garde. On verra plus tard!
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Je me méfie aussi toujours quand un livre est trop encensé sur la blogo, mais pour le coup j’ai trouvé que c’était une belle surprise, même si ce n’est pas un coup de cœur absolu !
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