La mer en hiver, Susanna Kearsley

La Mer en hiver attendait patiemment dans ma PAL depuis l’année dernière. J’en ai d’autant plus savouré la lecture !

Printemps 1708, une flotte jacobite de soldats français et écossais échoue à faire revenir James Stewart, le roi exilé, sur ses terres d’Écosse afin de réclamer sa couronne.

De nos jours, Carrie McClelland s’inspire de cet épisode historique dans son nouveau roman. Installée aux abords du château de Slains, au cœur d’un paysage écossais désolé et magnifique, elle crée une héroïne portant le nom d’une de ses ancêtres, Sophia, et commence à écrire. Mais elle se rend compte que ses mots acquièrent une vie propre et que les lignes entre fiction et faits historiques se brouillent de plus en plus. Tandis que les souvenirs de Sophia attirent Carrie encore plus au cœur de l’intrigue de 1708, elle découvre une histoire d’amour fascinante, oubliée avec le temps. Après trois cents ans, le secret de Sophia doit être révélé.

Le roman de Susanna Kearsley m’a rappelé à bien des égards Un bûcher sous la neige, mon roman coup de cœur de l’année passée. Les deux romans prennent en effet pour cadre l’Ecosse, et plus particulièrement les révoltes jacobites, une période passionnante de l’histoire écossaise (notez d’ailleurs que, chronologiquement, La Mer en hiver traite des épisodes suivant Un bûcher sous la neige).

Malgré tout, La Mer en hiver est pour moi en-dessous du roman de Susan Fletcher car plus classique dans son intrigue et plus banale dans sa plume. Pour autant, j’ai passé un très bon moment !

Carrie McClelland débute son nouveau projet de roman qui se passera en Ecosse. Pour se plonger entièrement dans l’ambiance des lieux, elle s’installe dans un cottage dans le village de Cruden Bay, aux abords du château de Slains, qui accueillera son intrigue. L’histoire qu’elle est en train d’écrire va prendre vie sous nos yeux : trois cents ans en arrière, Sophia Paterson est accueillie par la comtesse d’Eroll, maîtresse des lieux…

J’ai aimé suivre ce personnage d’écrivain et assister au processus créatif d’élaboration de son livre. En même temps, ce parti-pris narratif de la part de Susanna Kearsley est un peu curieux car il introduit une distance avec le récit de Sophia en la renvoyant à son statut de personnage de fiction. C’est assez perturbant, à la manière des écrivains et dramaturges qui brisent le quatrième mur. Cet artifice permet en réalité d’introduire l’idée originale que Carrie serait guidée par ses personnages plutôt que maître de l’histoire. L’écrivaine réalise en effet, à mesure qu’elle progresse dans son roman, que les scènes qu’elle pensait être le pur fruit de son imagination ont réellement eu lieu. D’ailleurs, l’auteure a tendance à insister un peu lourdement sur ce fait et la véracité historique du récit, avec toute une théorie de la réminiscence – un élément auquel j’ai été moins sensible. Ces redondances s’accompagnent de quelques longueurs auxquelles on peut s’attendre dans un roman de plus de 500 pages.

De même, la construction du roman, bien qu’originale, ne m’a pas entièrement convaincue car j’ai trouvé l’alternance passé/présent trop fréquente. On a à peine le temps de se plonger dans une époque que l’on en change, ce qui a tendance à nous sortir de l’histoire et à nous faire perdre le fil. J’aurais préféré que chaque séquence soit plus longue (c’est d’ailleurs le cas dans la deuxième partie du roman qui explore davantage le passé).

En contrepartie, j’ai apprécié que l’on ne se contente pas d’effleurer le personnage de Carrie, comme un simple prétexte au roman historique (c’est bien trop souvent le cas dans ce genre !). L’histoire de Carrie est développée à part entière et l’auteure est allée au-delà d’une alternance d’époque artificielle pour imaginer une réelle mise en relation entre les deux histoires. Une fois n’est pas coutume dans les romans historiques, je me suis ainsi autant attachée à Carrie qu’à Sophia, et j’ai suivi avec autant de plaisir les intrigues amoureuses de chacune. De ce point de vue, Susanna Kearsley a su trouver le parfait équilibre entre romance et roman historique. L’histoire de Sophia est bouleversante et l’on tremble avec elle jusqu’à la dernière page, espérant que l’auteure lui réservera une fin heureuse !

Je terminerai en soulignant le travail de documentation historique remarquable – je crois que c’est finalement ce qui m’a le plus séduite. Susanna Kearsley a bien creusé son sujet et l’on apprend énormément sur les révoltes jacobites, qui ont un potentiel narratif incroyable tant l’Histoire parait folle. La Mer en hiver est consacré plus particulièrement à la tentative d’invasion de 1708 : imaginez les Ecossais, aidés par la marine française, faire embarquer leur roi à Dunkerque direction Edimbourg ! L’auteure réussit à nous transporter dans le temps pour nous faire vivre aux côtés des personnages cette période cruciale, pleine d’incertitude, de secrets et de dangers, où les jacobites œuvrent pour le retour sur le trône du roi Jacques, exilé en France. On ne peut qu’être touché par l’engagement politique et militaire de ces hommes et femmes qui, par patriotisme, conviction et loyauté, sont prêts à tout pour leur roi. C’est émouvant d’imaginer les sacrifices que ces gens ont faits pour une idée bien plus grande qu’eux. A l’inverse, il est aussi question de comportements plus ambigus et bien moins louables, impliquant trahison et double-jeu.

Malgré les réserves que j’ai indiquées et une construction singulière qui peut être déconcertante, La Mer en hiver fait sans aucun doute partie de mes meilleurs lectures de 2023. Un contexte historique passionnant, des personnages attachants, du suspens et de la romance : tous les ingrédients sont réunis pour passer un très bon moment ! Quant au château de Slains, il m’a donné envie de retourner en Ecosse !

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4 réflexions sur “La mer en hiver, Susanna Kearsley

  1. J’ai également lu ce roman cette année et il m’a beaucoup plu. L’atmosphère singulière des paysages écossais, l’histoire de ce pays que je ne connaissais pas du tout m’ont attirés et j’ai trouvé effectivement original les allers-retours entre passé et présent, où la frontière est très fine entre Carrie et Sophia. Parfois perturbante, j’ai passé un très bon moment pendant cette lecture, qui a pris pour moi des tons un peu fantastiques. L’intrigue m’a tenu en haleine, il y a aussi une intrigue amoureuse, bref très distrayant et où l’on s’évade avec plaisir.

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  2. Pingback: Mes lectures de l’hiver |

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