Brexit Romance, Clémentine Beauvais

Me revoilà, entre deux bilans, pour vous poster une chronique. Aujourd’hui, je veux vous parler de Brexit Romance, une de mes meilleures lectures du printemps.

Juillet 2017 : un an que  » Brexit means Brexit  » ! Ce qui n’empêche pas la rêveuse Marguerite Fiorel, 17 ans, jeune soprano française, de venir à Londres par l’Eurostar, pour chanter dans Les Noces de Figaro ! À ses côtés, son cher professeur, Pierre Kamenev. Leur chemin croise celui d’un flamboyant lord anglais, Cosmo Carraway, et de l’électrique Justine Dodgson, créatrice d’une start-up secrète, BREXIT ROMANCE. Son but ? Organiser des mariages blancs entre Français et Anglais… pour leur faire obtenir le passeport européen. Mais pas facile d’arranger ce genre d’alliances sans se faire des noeuds au cerveau ¿ et au coeur !

Une comédie romantique politique, c’est une première ! Mais c’est bien ce dont il s’agit : de l’humour, de l’amour et tout de même un sujet de fond résolument politique, résolument d’actualité (même si je l’ai lu bien après). Le résumé m’a tout de suite intrigué, et je ne m’y suis pas trompée, car Clémentine Beauvais réussit son pari d’une main de maître.

Dans le contexte du Brexit, Justine Dodgson crée une entreprise dont le but est d’organiser des mariages blancs entre Français et Anglais, afin de leur permettre d’obtenir des passeports européens. Bien sûr, il s’agit là de l’objectif secret, dissimulé derrière « Mariage pluvieux », une start up de façade en conseil et organisation de mariage. Elle se met donc en quête de couples binationaux à marier, avec une condition : une union purement administrative, sans romance ! Elle croise par hasard la route de Marguerite Fiorel, jeune chanteuse d’opéra, et de son professeur Pierre Kamenev, qui se retrouvent embarqués dans l’affaire. Et comme vous vous en doutez, les sentiments vont s’en mêler et compliquer les choses…

Cette idée hyper originale m’a conquise dès la lecture du résumé et tout au long du roman. Car au-delà de son concept de « Brexit romance », l’auteure réussit à en faire une histoire pleine de péripéties. Une entreprise insensée, à la fois totalement folle et totalement sérieuse, qui ressemble à une blague mais constitue aussi un délit…. Je me demandais très honnêtement comment tout cela allait finir !

Le roman est classé jeunesse mais je le mettrais plutôt en jeunes adultes, car il aborde des sujets de société qui parleront probablement davantage à un public plus âgé. Il me semble aussi qu’il faut avoir un minimum de culture politique car le roman fait référence aux débats posés par le Brexit, ainsi qu’à des figures comme Neil Roddikin (UKIP) et Marine Le Pen. Rien de bien compliqué, hein, mais je ne pense pas que des lecteurs trop jeunes portent un intérêt à ces sujets.

On sent l’expérience franco-britannique de l’auteure et sa passion pour les mots, car elle questionne beaucoup la langue, les sens multiples, les intentions derrière, et s’amuse des différences entre l’anglais et le français et ce qu’elles révèlent des cultures. En contrepartie, son défaut, surtout en début d’ouvrage, est qu’elle a tendance à adopter un ton maîtresse d’école qui donne des cours de linguistique ! Mais passé outre l’impression parfois un peu désagréable de prendre des leçons d’anglais, il faut dire qu’il y a derrière ce roman une véritable connaissance de la langue et de la culture, avec notamment des passages volontairement mal traduits pour suggérer l’anglais derrière le français et donner plus de réalité aux dialogues. De ce point de vue, la forme est autant travaillée que le fond.

Plus généralement, le roman est très drôle et juste dans les réflexions sur la culture anglo-saxonne et les différences culturelles entre Anglais et Français. D’un côté, la politesse exagérée des Britanniques, avec leurs tournures de phrase alambiquées et interminables, et leur progressisme parfois trop politiquement correct. De l’autre, les Français un peu réac, snob, leur rudesse et leur tendance au conflit.

La confrontation entre Justine, Cosmo et Kamenev fonctionne parfaitement et donne lieu à des passages cocasses et des piques bien senties. Kamenev, lecteur de l’Huma, plutôt old school, aime titiller ses homologues britanniques sur les inégalités sociales et le conservatisme de la monarchie, critiquer les dernières tendances et la jeunesse ultra-connectée. Justine, étudiante en français, businesswoman workaholic, sûre d’elle et déterminée, mais aussi féministe indignée, ne manque pas de le bousculer et de le reprendre à l’ordre. Quand à Cosmo, aristo pédant très à droite, on se demande comment il a pu devenir le meilleur ami de Justine !

Le personnage de Kamenev, malgré son côté imbuvable et légèrement misanthrope, est touchant avec ses fragilités et sa relation de mentor avec Marguerite. Par contre, à force de le faire agir comme un vieux, j’ai eu l’impression pendant tout le roman qu’il avait la quarantaine, impossible de me le représenter comme un homme de 26 ans !

Quant à Marguerite, la jeune prodige émerveillée par l’Angleterre, elle est sans doute trop naïve, trop enfantine par moment, et manque un peu de saveur. Mais j’ai aimé la façon dont elle se révèle au fil de l’histoire, et le tissage de l’intrigue autour du projet de mariage avec le lord anglais.

Pour finir sur une note plus politique – car c’est quand même le cœur du sujet ! – le roman met en évidence les rapports de classe et interroge les causes du Brexit. Clémentine Beauvais se moque gentiment de la jeunesse londonienne un peu bobo, qui travaille en freelance dans des café cosy en buvant des latte au lait végétal, ou encore des intellectuels de gauche ultra-consensuels qui paraissent enfermés dans leurs concepts et n’osent plus exprimer leurs opinions de peur de heurter des sensibilités. L’auteure montre assez bien la fracture générationnelle et sociale au sein de la population britannique, entre les Pro et les Anti-Brexit. Elle délivre également un message d’amitié entre les peuples et rend compte du désir de liberté de la jeunesse et d’attachement à cet espace de circulation que constitue l’Union européenne. Derrière le ton léger, on sent l’affection de l’auteure pour ses deux pays, et la peine – peut-être aussi la déception et la colère – qu’a dû lui causer le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne.

En bref, un roman qui sort des sentiers battus et parvient sans peine à nous faire rire, entre romance et politique.

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11 réflexions sur “Brexit Romance, Clémentine Beauvais

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