Comme je le disais dans le tag Avez-vous dans votre PAL ?, j’appréhendais un peu la découverte du roman d’Adeline Dieudonné, véritable phénomène littéraire et à première vue si particulier (d’ailleurs je connais pas la maison d’édition, mais vu son nom – L’iconoclaste – j’en déduis que c’est sa marque de fabrique). Finalement, j’en ressors mitigée.

C’est un pavillon qui ressemble à tous ceux du lotissement. Ou presque. Chez eux, il y a quatre chambres. La sienne, celle de son petit frère Gilles, celle des parents, et celle des cadavres. Le père est un chasseur de gros gibier. La mère est transparente, amibe craintive, soumise aux humeurs de son mari. Le samedi se passe à jouer dans les carcasses de voitures de la décharge. Jusqu’au jour où un violent accident vient faire bégayer le présent.
Dès lors, Gilles ne rit plus. Elle, avec ses dix ans, voudrait tout annuler, revenir en arrière. Effacer cette vie qui lui apparaît comme le brouillon de l’autre. La vraie. Alors, en guerrière des temps modernes, elle retrousse ses manches et plonge tête la première dans le cru de l’existence. Elle fait diversion, passe entre les coups et conserve l’espoir fou que tout s’arrange un jour.
Difficile de parler de ce livre qui, il est vrai, sort de l’ordinaire. J’y vois un peu la version belge de My Absolute Darling…en moins réussi. Beaucoup d’élément m’ont fait penser au roman de Gabriel Tallent : le personnage principal de la jeune fille, lucide et courageuse malgré son âge, la violence intrafamiliale, le comportement abject du père, les mots crus, durs, les scènes dérangeantes. Mais contrairement à My Absolute Darling, La vraie vie n’a pas été un coup de cœur et je ne l’ai pas trouvé à la hauteur de sa réputation.
Le roman d’Adeline Dieudonné a pour thématique la violence et la famille. Il raconte le combat d’une jeune fille pour sauver son frère, traumatisé par un drame dont il a été témoin. Je l’ai trouvé trop court, et c’est probablement pour cela qu’il ne m’a pas autant marquée ni émue. Il aurait pu être intéressant de développer davantage certains épisodes, de nous montrer d’autres aspects de leur vie et de faire entrer d’autres protagonistes, à travers l’école par exemple. Cependant, je comprends la démarche de l’auteure : à la manière d’un huis-clos, elle se concentre sur un nombre restreint de personnages et de lieux, de sorte que le lecteur est coincé, comme la famille, à l’intérieur du quartier et de la maison.
Je n’ai pas du tout adhéré au début du roman, au style volontairement choquant (ça démarre dès la première page !). Le côté « coup de poing » m’a paru un peu trop artificiel. Il faut dire que je ne suis pas forcément fan des livres « inclassables », qui revendiquent comme objectif de déstabiliser le lecteur, car j’ai souvent le sentiment qu’il s’agit d’un effet de style et que l’auteur fait original pour faire original. J’ai ainsi eu du mal avec certains choix de l’auteure, comme l’insistance sur les « cadavres » et la présence d’animaux empaillés. S’ajoute à cela des passages assez invraisemblables, à la limite de l’absurde. Le fameux accident au cœur de l’intrigue n’était à mon sens pas nécessaire. L’auteure aurait pu faire passer son message en se contentant de nous décrire le quotidien de la famille (je vous assure qu’il est suffisamment horrible) ou utiliser un évènement déclencheur plus « classique ». Je n’ai pas compris l’intérêt de décrire une scène aussi sordide qui, en plus, arrive comme un cheveu sur la soupe. Alors certes, pour surprendre le lecteur, c’est réussi, mais cela me conforte dans l’idée qu’il y a une espèce de complaisance dans le glauque qui, personnellement, me dérange.
J’ai eu aussi beaucoup de mal avec les personnages car aucun d’eux n’est vraiment attachant. Vous me direz, ce n’était probablement pas le but de l’auteure, mais j’ai besoin de m’identifier aux personnages ou de ressentir de l’empathie à leur égard pour entrer pleinement dans l’histoire et apprécier ma lecture. Or, la personnalité de la jeune fille et la dureté de son attitude envers sa mère m’ont gênée. En-dehors de l’héroïne, il y a le père (horrible), la mère effacée et le petit frère perturbé. Bref, on a du mal à se raccrocher à un personnage.
Cela s’arrange dans la deuxième partie du roman. En même temps que la jeune fille grandit et s’affirme, j’ai été davantage happée par l’histoire et plus sensible à ce qu’elle vivait. Surtout, j’ai décidé de m’affranchir de ces quelques réserves pour me concentrer sur les messages passés. Finalement, l’important n’est pas les faits décrits mais ce à quoi ils vont servir dans l’histoire. Adeline Dieudonné s’intéresse à l’engrenage destructeur de la violence et parvient à nous faire sentir son impact dévastateur sur une famille, sur des enfants, notamment avec la métaphore de la hyène qui incarne la menace et la noirceur de l’âme humaine.
La relation avec la mère, figure à la fois victime et complice, est intéressante en ce qu’elle montre la complexité des situations de violence familiale. L’adolescente est prise dans des sentiments contradictoires : en même temps qu’elle compatit à la douleur de sa mère et qu’elle plaint sa vie gâchée, elle lui en veut de s’effacer, de ne pas être présente pour ses enfants, de ne pas être capable de s’affirmer, de se défendre, de les défendre.
Au cœur de l’histoire, il y a surtout l’amour d’une sœur pour son petit frère. Elle est prête à tout pour le protéger et l’empêcher de sombrer. Elle y puise sa volonté d’agir et de se battre, faisant de son principal objectif que les choses redeviennent comme avant et que son frère retrouve son innocence. Ce projet d’effacer le passé va se traduire par un plan très concret pour parvenir à remonter le temps – une jolie métaphore, originale, qui conduit à ce qu’un problème psychologique (effacer un souvenir, guérir un traumatisme) devienne un problème de physique. La détermination du personnage, à travers son obsession pour la théorie de la relativité, est émouvante. Finalement, La vraie vie est une histoire de résistance, à la fois du corps et de l’esprit, et c’est en cela qu’elle nous touche. Seule à lutter, l’héroïne refuse d’avoir peur, elle refuse d’être une proie, elle refuse de laisser la violence gangréner sa famille et pervertir l’esprit de son frère.
C’est (hélas pour ces lecteurs et lectrices) tous bien d’avoir des retours plus nuancés ; comme toi, j’ai vu beaucoup de bons retours et je comprends que tu aies appréhendé – à juste titre, donc. Mais peut-être le lirai-je un jour, histoire de me faire mon avis. Enfin, en attendant, je me concentre sur ma PAL 😉
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Oui je pense que c’est un roman intéressant à découvrir même si il ne plait pas forcément ! Faut se faire son avis ^^
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