My Absolute Darling, Gabriel Tallent

Bonjour à tous !

Tout d’abord j’espère que vous allez bien en ces premiers jours de confinement. La période est plutôt angoissante/déprimante, mais je crois qu’il est important de ne pas se laisser abattre, d’essayer de trouver du positif et de se focaliser sur les activités que l’on peut encore faire. En tout cas, c’est comme ça que j’ai décidé de prendre les choses pour vivre au mieux ce mois de novembre, en espérant tout de même que l’on pourra retrouver nos proches à Noël. Je compte en profiter au maximum pour lire, alimenter le blog, cuisiner, faire des jeux de société (2 joueurs ^^)… L’avantage c’est que le contenu ici devrait être plus régulier !

Je reviens aujourd’hui pour vous parler d’un livre phénomène de l’année 2017, My Absolute Darling. Cela fait déjà plusieurs mois que je l’ai découvert et j’en garde encore un souvenir marquant !

À quatorze ans, Turtle Alveston arpente les bois de la côte nord de la Californie avec un fusil et un couteau pour seuls compagnons. Mais si le monde extérieur s’ouvre à elle dans toute son immensité, son univers familial est étroit et menaçant : Turtle a grandi seule, sous l’emprise d’un père charismatique et abusif. Jusqu’au jour où elle rencontre Jacob, un lycéen blagueur qu’elle intrigue et fascine à la fois. Poussée par cette amitié naissante, Turtle décide alors d’échapper à son père et plonge dans une aventure sans retour où elle mettra en jeu sa liberté et sa survie.

Pourtant ce n’était pas forcément bien parti. En démarrant ma lecture, j’ai été heurtée par la violence physique et verbale omniprésente et le caractère abject, malsain de la relation entre Turtle et Martin, à tel point que je me demandais si j’allais poursuivre et que je commençais à m’étonner du succès rencontré par le roman. Mais au fil des pages, j’ai été totalement emportée dans le tourbillon de l’histoire, pour ne plus décrocher jusqu’à la fin ! Alors oui, My Absolute Darling est indéniablement dérangeant, mais c’est aussi ce qui fait la force de ce livre.

Martin est un père violent et abusif, un survivaliste méfiant et obsédé par la fin du monde. Turtle qui vit seule avec lui dans une maison isolée, est totalement sous son emprise. Et c’est une des premières raisons pour lesquelles le livre est si dérangeant, car Martin, aussi maltraitant qu’il soit, est tout ce que Turtle a toujours connu. Elle n’a pas de référence d’une vie de famille normale, d’une relation saine, d’une éducation classique, ni même des rapports sociaux habituels avec d’autres gens de son âge. Elle semble en partie cautionner le comportement de Martin, adhérer à cette éducation dans la violence, avec des armes, des coups, des insultes, à cette vision haineuse des femmes. Pire, elle est attachée à son père, malgré tout. Or, pour nous lecteur, qu’une victime entretienne la mécanique infernale et défende son bourreau, c’est intolérable.

C’est parce qu’elle est complexe que Turtle est attachante, c’est parce que le roman n’est pas tout noir ou tout blanc qu’il est intéressant. Il n’est pas facile de savoir ce qui relève de l’emprise, ce qui relève de la peur des représailles, ce qui relève de l’amour naturel d’une fille pour son seul parent. L’auteur floute délibérément les frontières entre le bien et le mal, entre victime et bourreau, entre amour et violence. Bien qu’on ait du mal à l’accepter, et sans que cela ne la justifie aucunement, il peut y avoir de l’amour derrière la violence, et de l’affection à côté de la haine.

My Absolute Darling peut donner lieu à de multiples interprétations. D’ailleurs, au départ j’étais dubitative face à un contenu aussi dur. Je n’aime pas la violence gratuite – que ce soit au cinéma ou en littérature, et si c’est choquer pour choquer, faire du gore pour faire du gore, cela ne m’intéresse pas. Or au début du roman il est difficile de voir où l’auteur veut en venir. C’est sombre et on est presque découragé du cercle vicieux qui semble ne jamais pouvoir s’arrêter, de la domination implacable de Martin, de la solitude de Turtle.

Mais j’ai compris que Gabriel Tallent cherche à décrire la réalité de la violence, aussi crue soit-elle. Il ne s’agit pas d’une fascination malsaine, mais de mettre en lumière le schéma de pensée pervers qui conduit à l’idée que l’on peut posséder une personne, et dans lequel la violence s’exacerbe d’autant que l’homme sent sa victime se dérober. Le mécanisme est décortiqué à la fois du côté de l’auteur des violences et de la victime, marquée durablement et profondément par cet ascendant insidieux qui rend d’autant plus compliquées la délivrance et la reconstruction. Il y a aussi les adultes qui gravitent autour des deux protagonistes, ceux qui se doutent de quelque chose mais n’osent agir ou sont maladroits dans leur volonté d’aider, perturbés par le silence de Turtle et le refus d’assistance.

C’est bien le récit d’une difficile voire impossible émancipation que nous fait Gabriel Tallent. Il raconte le combat de Turtle pour sortir de cette emprise, à la fois physique (Martin a plus de force), matériel (après tout c’est une adolescente qui ne peut vivre sans le soutien d’autres adultes et des moyens de subsistance) et surtout psychologique. J’ai aimé que ce ne soit pas une trajectoire lisse, qu’il y ait des moments de prise de conscience, de révolte et de libération, et des moments de doutes, de craintes, de renoncement face à l’impression de ne jamais pouvoir lui échapper, comme des moments de regrets et de culpabilité, qui la ramènent dans le giron paternel.

C’est sombre, brutal, et malgré tout un énorme coup de cœur.

Comme dit l’auteur dans la préface, le travail de l’écrivain n’est pas de rendre les choses tolérables, c’est parler de ce que les gens ne veulent pas voir.

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4 réflexions sur “My Absolute Darling, Gabriel Tallent

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