La Dame du manoir de Wildfell Hall, Anne Brontë

couv16232902 L’arrivée de Mrs Helen Graham, la nouvelle locataire du manoir de Wildfell, bouleverse la vie de Gilbert Markham, jeune cultivateur. Qui est cette mystérieuse artiste, qui se dit veuve et vit seule avec son jeune fils ? Quel lourd secret cache-t-elle ?

* * *

Peut-on s’arrêter deux minutes pour admirer la couverture de la collection classique collector Archipoche ? Elle me donne juste envie d’acheter tous les autres titres.

Avec ce classique, lu dans le cadre du challenge Solidaires, je reviens un peu à mes premières amours. Au lycée, j’ai découvert la littérature féminine du XIXème siècle, avec Jane Austen et les sœurs Brontë, et ça a été un vrai coup de cœur. Ce sont des classiques qui se lisent facilement, qui ont une vraie modernité dans l’écriture et dans les idées, et mêlent romance et critique sociale. En même temps, il y a le charme de l’ambiance XIXème, de la campagne anglaise, de la haute société londonienne, de l’entrée dans le monde des jeunes filles, entre bals, salons et mariages.

Je ne sais pas pourquoi j’ai arrêté d’en lire, alors que je sais que ce style est pour moi quasiment un coup gagnant à chaque fois. Peut-être en raison de l’ambiance parfois un peu trop gothique, du côté archaïque de la morale victorienne ou encore des personnages féminins pas assez charismatiques (soit en raison de la marge étroite que leur laisse la société, soit parce qu’elles sont trop caricaturales – jolies femmes superficielles ou vieilles filles intellectuelles).

Bref, pour en revenir à La Dame du manoir de Wildfell Hall, c’est mon premier roman de l’auteure, le troisième des sœurs Brontë après Jane Eyre et Les Hauts de Hurlevent. Si Jane Eyre reste indétrônable dans mon cœur, j’ai plus aimé Wildfell Hall que Les Hauts de Hurlevent, pourtant beaucoup plus connu.

La construction du roman est assez originale. Le roman s’ouvre sur les lettres écrites par Gilbert à un ami. J’avoue que je n’ai pas trop saisi la pertinence de ce procédé littéraire très artificiel, puisqu’en réalité on n’a pas l’impression de lire un roman épistolaire mais bien un récit classique, détaillé, avec des dialogues, dans lequel les adresses au destinataire sont rares. Mais passons, c’était sans doute assez fréquent dans la littérature de l’époque. Gilbert donc, un jeune cultivateur célibataire, apprend l’arrivée d’une mystérieuse locataire à Wildfell Hall, un grand manoir inoccupé et plutôt délabré. Mrs Graham alimente les rumeurs :  jeune veuve, elle vit seule avec son petit garçon, sort peu et refuse les invitations. Lors de leur première rencontre, elle fait plutôt mauvaise impression à Gilbert. Froide, distante, elle a des idées bien arrêtées, n’a pas peur de dire tout le mal qu’elle pense des hommes, semble se montrer indifférente à l’opinion des gens, peu intéressée à s’intégrer dans la vie de la communauté et entretient le secret sur ses origines et sa situation personnelle. Pourtant, la curiosité va l’emporter, et Gilbert va peu à peu nouer contact avec elle. Il se prend à la défendre contre les mauvaises langues et à éprouver des sentiments pour elle. Pourtant, ses tentatives de séduction se confrontent à un mur.

On va alors quitter ce cadre pour replonger dans le passé et découvrir l’histoire de la dame de Wildfell Hall, racontée dans son journal intime. Sur le moment, j’avoue que j’étais un peu déçue d’abandonner les personnages tels qu’ils sont présentés au début du livre, remplacés par un récit moins dynamique en raison du format journal. On retrouve une histoire plus classique à partir de la jeunesse d’Helen, à une période où elle fait son entrée dans le monde et recherche un mari (si vous avez l’habitude de lire ce genre de romans, vous savez que c’est l’intrigue de fond de 80% des romans de la littérature féminine anglaise de l’époque). 

J’ai eu du mal à m’attacher au personnage. Au début du roman, je ne pouvais pas la supporter, avec ses idées toute faites, sa fermeture au dialogue, sa susceptibilité et son ton cassant. Le flash-back est intéressant car on découvre une toute autre personne et on comprend également ce qui a mené à sa situation de jeune veuve recluse et à son caractère, sa méfiance et la carapace qu’elle s’est construite. L’Helen du passé peut cependant agacer avec ses airs de sainte et son obsession pour la droiture morale. Il faut savoir que Anne Brontë était réputée pour être la plus réservée et la plus religieuse des sœurs. On retrouve la prégnance de la religion dans le roman, ce qui le rend un peu désuet et moralisateur. Mais Helen est touchante en raison des difficultés auxquelles elle fait face, sa résilience, sa foi en ses valeurs, son sens du sacrifice et sa dignité.

Assez paradoxalement, malgré le côté un peu démodé lié à la morale religieuse, La Dame du manoir de Wildfell Hall porte aussi des réflexions modernes. C’est ce qui a conduit certains à y voir un des premiers romans féministes. En effet, le personnage de Mrs Graham est totalement inhabituel voire choquant pour l’époque : une femme indépendante, qui revendique sa capacité à subvenir seule à ses besoins, à mener l’éducation de son petit  garçon selon ses principes, à passer outre les injonctions de la communauté qui lui rappelle qu’elle devrait fréquenter plus assidûment la paroisse, s’entourer de domestiques et songer à retrouver un mari.

A la lecture de la littérature du XIXème, je me dis toujours que je suis née à la bonne époque. C’est terrible de ne pas avoir le choix, de devoir, à à peine 18 ans, se marier avec un homme qui n’est qu’un inconnu, car les conventions empêchent d’échanger même un baiser ou de passer trop de temps en tête à tête avant les fiançailles, et qui en prime a souvent 20 ans de plus. Quelle horreur de n’avoir comme alternative qu’un mariage malheureux, poussé par la pression sociale, ou une vie de vieille fille !

Mais au-delà du contexte particulier de la société de cette époque, je suis toujours  surprise de l’universalité de certains sujets, des réflexions sur l’amour, le mariage, le couple, les choix de vie, la conformité ou l’opposition aux mœurs d’une époque. Le roman aborde aussi des questions malheureusement actuelles, comme la violence, les déboires des hommes ou encore la mauvaise influence exercée par les amis et les fréquentations peu recommandables.

J’ai aimé le duo marginal formé par Mrs Graham et son fils, sa dignité et sa détermination à faire ce qu’elle croit de mieux pour préserver son petit garçon. J’ai réalisé qu’en fait rien n’avait changé aujourd’hui : il y a toujours des gens qui vont se permettre de dire aux jeunes parents comment éduquer leur enfant et qui vont, sur ce sujet comme sur d’autres, juger, jaser sans savoir, critiquer lorsque l’on s’éloigne de la norme.

Verdict Coup de coeur

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8 réflexions sur “La Dame du manoir de Wildfell Hall, Anne Brontë

  1. Oh, ça me tente bien ça ! Comme toi j’aime beaucoup ce type de littérature anglaise dans la lignée de Jane Austen. J’avais lu « Agnès Grey » qui m’avait bien plu, davantage que les Hauts de Hurlevent que je trouve trop sombre et un peu surjoué.
    Et puis cette histoire m’intrigue : j’ai l’impression que ça propose un contrepoint à beaucoup de romances classiques ou une jeune fille timide essaie d’amadouer un beau ténébreux bourru.
    Je l’ajoute à ma PAL 🙂

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  2. Je ne connaissais pas ce roman, je dois bien l’avouer. Et franchement tu m’as donné vraiment envie de le découvrir, et de me pencher un peu plus précisément sur la vie des soeurs Brontë (je connais bien mieux ma très chère Jane Austen ♥).
    Merci pour ta super chronique !

    Aimé par 1 personne

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