À 16 ans, Aysel n’a qu’une obsession : planifier sa propre mort à la perfection. Entre sa mère qui la regarde à peine, ses camarades de lycée qui l’évitent, et son père responsable de l’accident fatal qui a marqué sa petite ville à jamais, pour Aysel la vie est devenue trop lourde à supporter. Seul problème, elle n’est pas sûre d’y arriver seule. C’est alors qu’elle découvre Suicide Partners, un site qui lui permettra de trouver le compagnon idéal. Et c’est sur FrozenRobot, alias Roman, victime d’une tragédie familiale, qu’elle jette son dévolu. Aysel et Roman n’ont rien en commun, mais ils commencent à apprivoiser leurs failles.
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Le vide de nos cœurs fait partie de collection Young adult d’Hugo New Romance, c’est d’ailleurs le titre qui l’a inaugurée.
A la lecture du résumé, j’ai trouvé une ressemblance étrange avec Tous nos jours parfaits, de Jennifer Niven, je ne saurais dire s’il s’agit d’une pure coïncidence ou non. Quoi qu’il en soit, le sujet du roman reste atypique et a de quoi surprendre : les envies suicidaires chez les adolescents.
Aysel souffre de dépression. Son obsession pour la science et la rationalité n’est qu’une manière de se rassurer et de ne pas perdre pied. Elle ne se sent pas à sa place dans sa famille et est marquée par un acte commis par son père. Elle a décidé d’en finir et tombe sur Suicide Partners, un forum où des anonymes publient des annonces pour trouver un partenaire de suicide. J’avoue que j’ai trouvé l’idée de l’existence d’un site pareil totalement glauque et à la fois terrible parce qu’il nous montre que les réseaux sociaux peuvent parfois servir au pire. Mais paradoxalement, la recherche d’un « partenaire » peut être une forme d’appel à l’aide et pourquoi pas de soutien mutuel, un premier pas pour sortir de la solitude et de pensées autodestructrices. C’est sur ce site de rencontre très particulier qu’Aysel découvre le message de FrozenRobot, alias Roman. Avec ce dernier, touché par un drame familial, ils fixent la date de leur passage à l’acte. Cependant, le lien qu’ils tissent pourrait changer la donne en permettant à chacun de remonter la pente et finalement de se sauver l’un l’autre.
A mesure qu’Aysel et Roman font connaissance, leur projet parait de plus en plus morbide et on ne peut s’empêcher de craindre pour eux. Roman ne cesse de répéter qu’il veut éviter à tout prix qu’ils se dégonflent, alors même que l’on espère que les deux ados pourront s’aider à prendre conscience que la vie vaut la peine d’être vécue. Pourtant, l’on comprend que cette rencontre, les points communs et les affinités qu’ils se découvrent ne suffisent pas à tout résoudre, car la joie d’être ensemble peut sembler temporaire, illusoire, face à l’ampleur de la détresse.
« Ma gorge se noue de plus belle et j’ai beau me dire que je devrais lui confier ce que j’ai ressenti en le regardant tirer des paniers tout à l’heure, je reste silencieuse. Je pense à la grosse limace qui serpente au fond de moi en éclusant à grand bruit toute mon énergie potentielle de bonheur. Une main sur le ventre, je songe à tout ce que je donnerais pour la faire disparaitre et pour qu’il existe un moyen de me guérir, moi comme Roman. Mes ongles s’enfoncent dans ma peau et m’arrachent une grimace de dégoût. Roman tend le bras pour poser sa main sur la mienne.
– Mais le plus perturbant, c’est que le fait que ça me trouble de te voir heureuse ne change rien.
Il baisse la voix pour que moi seule l’entende.
– J’ai toujours l’intention d’en finir le 7 avril. Et je compte toujours sur toi pour passer à l’acte avec moi. »
Il faut souligner le mérite de l’auteur d’aborder un sujet aussi tabou en littérature adolescente. Il aurait sûrement pu être traité plus en profondeur – ici, l’origine de la dépression et du projet suicidaire me semble dans les deux cas un peu légère car causée par un évènement et non une situation de souffrance sur le long-terme. Par conséquent, la façon dont la rencontre modifie leur état d’esprit parait également précipitée. Mais on peut excuser cette facilité narrative qui permet de ne pas parler exclusivement de la dépression et ainsi rendre le roman plus accessible et sans doute plus attractif pour le public visé. Le livre se lit très bien, grâce aux courts chapitres organisés par date jusqu’au jour fixé pour le suicide.
Le vide de nos cœurs nous rappelle qu’il ne faut pas se fier aux apparences. L’exemple type en est Roman : ancien membre phare de l’équipe de basket, plutôt beau gosse, populaire, n’a a priori aucune raison de vouloir en finir et joue le jeu à merveille devant ses camarades. Il est pourtant rongé par la culpabilité et déterminé à aller jusqu’au bout de son projet, jusqu’à utiliser Aysel comme alibi pour déjouer les soupçons de sa mère, préoccupée par son mal-être. Aysel aussi est très discrète, effacée, et ne laisse pas imaginer une telle volonté.
Il me semble que l’important dans Le vide de nos cœurs est avant tout qu’il est porteur d’espoir. Je ne suis pas assez naïve pour croire qu’une simple lecture peut décourager un adolescent suicidaire, mais en tout cas le roman dit aux adolescents en mal-être qu’ils ne sont pas seuls, que la dépression donne l’impression que la détresse est définitive alors que l’on peut trouver de l’aide. L’auteur, de par son expérience personnelle, a parfaitement saisi la psychologie adolescente et parvient à se mettre dans la peau de jeunes. Elle transcrit les situations familiales compliquées, le sentiment d’être incompris, d’être malaimé ou non indispensable dans la famille, et la souffrance générée par les non-dits et la réaction des parents qui font comme si tout allait bien. Le message du roman est bien que la vie réserve des surprises et que, même lorsque tout va mal, il existe des issues.
Certes, le roman est plutôt prévisible, les ficelles de la romance sont sans doute un peu trop grosses – et encore, on ne cesse de s’interroger sur l’issue finale, en particulier pour l’un des protagonistes. N’empêche que les personnages sont attachants et que l’amour naissant a une tonalité particulière puisqu’il est signe de renaissance et d’espérance.
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En bref, un roman adolescent qui aborde le sujet tabou de la dépression et du suicide chez les adolescents, à lire pour le message d’espoir qu’il délivre. La romance, bien que prévisible, apporte de la douceur et du positif pour des personnages que le mal-être pourrait submerger.
Il est dans ma PAL, faudrait que je le sorte de là, il a l’air chouette !
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Il mérite de sortir 😉
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Le sujet me tente beaucoup… Merci pour ta chronique, je note le titre !!
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J’espère qu’il te plaira ! 🙂
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