Toute la beauté du monde n’a pas disparu, Danielle Younge-Ullman

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Ingrid ne comprend pas ce qu’elle fait dans ce trek au beau milieu de la nature la plus sauvage. Sac au dos, dans la chaleur et les moustiques, elle tente de faire face. Aux conditions extrêmes, aux adolescents perturbés qui l’accompagnent, à son passé qui la rattrape. Comment sa mère adorée a-t-elle pu lui imposer cette épreuve? Jusqu’où lui faudra-t-il repousser ses limites?

* * *

J’ai emprunté ce roman jeunesse un peu par hasard à la médiathèque. Peut-être des envies de nature avec les beaux jours qui arrivent, qui sait ? La thématique de la nature et des relations mère-fille m’a fait penser à L’Aube sera grandiose, le roman d’Anne-Laure Bondoux qui a pas mal tourné sur la blogo. Quoi qu’il en soit, je trouve super que des romans jeunesse mettent en scène des expériences en pleine nature pour aborder la (re)découverte de soi.

Tout commence plutôt mal pour Ingrid. L’adolescente a accepté de participer à un camp d’été, condition pour que sa mère l’autorise à entrer dans une école de chant à Londres à la rentrée. Ce qu’elle ne savait pas, c’est que sa mère avait choisi l’option la plus extrême du camp de nature de Peak Wilderness. Adieux le camp de nature sédentaire, en dur, avec douches, toilettes et équipements ! A peine arrivée, Ingrid doit se délester de la moitié de ses affaires et partir pour 15 jours de randonnée et de bivouac en plein air. Entre les tentes – mal montées – dont elle doit partager le confort sommaire avec deux membres de la gent masculine, les pluies d’orage qui trempent ses affaires, les moustiques qui la harcèlent, la crasse qui s’accumule sur sa peau et ses vêtements avec la transpiration et la boue,  et les courbatures et les ampoules dues aux efforts physiques accomplis durant la journée, la jeune fille a le sentiment d’être arrivée en enfer.

Elle se rend vite compte qu’elle n’est pas faite pour cet endroit – d’ailleurs, elle est la seule à ne pas être au courant de ce qui l’attend, et pire, à ne pas l’avoir voulu ! Autour d’elle, des adolescents au lourd passé semblent ici pour réparer leurs erreurs, régler leurs problèmes de comportement et prendre un nouveau départ. Il y a Ally, une fille un peu superficielle qui se révèle être une jeune mère cherchant à prouver qu’elle peut prendre soin de son bébé ; Jin, la jeune rebelle en conflit avec ses parents, qui s’est adonnée à la drogue et au racolage ; Mélissa, une fille sportive apparemment sans problème mais dont on apprend qu’elle a été victime d’une secte ; Seth, un homosexuel très croyant dont la famille, traditionnaliste, veut lui faire retrouver le chemin de la « vérité » ; Tavik, un jeune homme à l’air sombre qui sort de prison; et Henry et Harvey, des jumeaux qui sont allés un peu trop loin dans leurs bêtises.

Ingrid, plutôt bonne élève, calme, n’a a priori rien à voir avec ces adolescents « à problèmes ». Pourtant, au fur et à mesure, on comprend qu’elle a vécu un drame. Son personnage m’a beaucoup touchée. Très mature pour son âge, on sent qu’elle a du faire face à des épreuves difficiles qui l’ont profondément marquée. Elle a du mal à gérer ses émotions, se bat contre sa colère à l’égard de sa mère et sa propre culpabilité. Elle se ferme, se constitue une carapace pour se protéger de ses souvenirs douloureux.

Ingrid raconte ses aventures à Peak Wilderness dans des lettres adressées à sa mère. J’ai adoré son ton mordant, ironique. A travers son récit, les allusions à sa situation et les chapitres qui nous racontent son passé, on remonte les souvenirs et on va de révélation en révélation, jusqu’à ce que l’on ait reconstitué l’histoire et que tout prenne sens. Même si j’avais assez rapidement deviné une partie de la vérité sur sa mère, l’auteur est parvenue à me faire douter à plusieurs reprises et à me surprendre jusqu’à la dernière page.

La relation entre Ingrid et sa mère que l’on comprend vite être assez conflictuelle, constitue le cœur de l’histoire.  A travers les yeux de l’adolescente, on est tenté de céder à l’incompréhension et au ressentiment contre cette mère qui s’est manifestement mal comportée avec sa fille. Mais on réalise aussi que les choses sont plus délicates. Sans trop vous en dire, le roman aborde le sujet de la dépression et des difficultés familiales, mais aussi des sujets plus classiques chez les jeunes comme les problèmes de cœur et le harcèlement scolaire.

Le cadre du roman, les forêts de l’Ontario, propage un esprit d’évasion particulièrement communicatif – personnellement, je n’avais qu’une envie, c’était de partir à l’aventure avec mon sac à dos ! Il nous plonge en pleine nature, une nature que l’on peut détester car elle ne nous épargne pas, mais que les adolescents vont apprendre à aimer. J’avoue que j’ai trouvé un peu dures, et un chouilla exagérées, les épreuves que les encadrants leur font subir. Cela dit, cela m’a fait penser un peu à l’armée : le fait, par la vie en groupe, par l’effort, par la confrontation à un environnement hostile, de se dépasser.  Ingrid va devoir se confronter à ses souvenirs et à ses faiblesses et affronter ses peurs, mais sa persévérance et  résilience vont lui permettre de se découvrir une force insoupçonnée. Car c’est en se prouvant que l’on est capable que l’on retrouve confiance en soi et en sa capacité à affronter les coups durs de la vie. Sans doute le fait de se retrouver dans un environnement inconnu, qui oblige à se recentrer sur l’essentiel – la survie – était aussi ce qui lui manquait pour faire la paix avec sa mère et avec elle-même et aller de l’avant. J’ai aimé également voir se tisser les relations entre les personnages. Les adolescents apprennent à se connaître et à tirer profit des ressources du collectif, en se conseillant et se soutenant mutuellement.

Toute la beauté du monde n’a pas disparu n’a pas beaucoup fait parler de lui, mais je vous assure que c’est une pépite à découvrir, entre humour et émotion. Les personnages nous amènent avec eux dans cette expérience inoubliable en pleine nature, et nous livrent au passage une belle leçon de vie. Je suis passée très près du coup de cœur, et cela aurait sûrement été le cas si j’avais pu le lire il y a quelques années.

 

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En bref, un très beau roman d’apprentissage au cœur de la nature que je vous recommande chaudement ! Danielle Younge-Ullman signe là une histoire authentique, profondément touchante, qui, tout en abordant des sujets difficiles, porte également un message de reconstruction.

Verdict Un bon moment

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8 réflexions sur “Toute la beauté du monde n’a pas disparu, Danielle Younge-Ullman

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