L’homme qui murmurait à l’oreille des éléphants, Lawrence Anthony

couv61674392.gifLorsque l’on demanda à Lawrence Anthony, grand défenseur de la nature, de recueillir un troupeau d’éléphants sauvages et traumatisés dans sa réserve de Thula Thula en Afrique du Sud, son bon sens l’incita tout d’abord à refuser. Quand il sut que les éléphants seraient abattus s’il ne changeait pas d’avis, il décida finalement de les sauver. Au cours des années qui suivirent, Lawrence Anthony devint petit à petit un membre de leur famille, créant des liens inaliénables avec les membres du troupeau. Il comprit alors que ces créatures exceptionnelles avaient beaucoup à lui apprendre sur la vie, la loyauté et la liberté. 

* * *

Ma lecture de La tristesse des éléphants, a éveillé mon intérêt pour ces grands mammifères et j’ai eu envie d’en savoir plus. Mon choix s’est porté sur le livre d’Anthony Lawrence parmi la liste de sources indiquées par Jodi Picoult. Il n’est malheureusement plus édité mais j’ai pu me le procurer à la bibliothèque.

Lawrence Anthony est connu pour son engagement envers les animaux. Après son opération au zoo de Bagdad, c’est une nouvelle fois son expérience personnelle qu’il nous raconte dans L’homme qui murmurait à l’oreille des éléphants. Et quelle histoire !

Lawrence Anthony possède la réserve de Thula Thula au cœur du Zululand, un bush primitif de 25 000 mètres carrés. Il est constitué de terres tribales à l’abandon appartenant à 6 clans zoulous différents. Cette zone est la terre traditionnelle des éléphants, où ils erraient jadis en liberté et effectuaient leur grande migration. Or, de nos jours, ils ont presque disparu et nombre de Zoulous n’en ont même jamais vu. Les éléphants de Thula Thula seront ainsi les premiers à être réintroduits depuis un siècle. Sa réserve accueille également un grand nombre d’espèces sauvages : rhinocéros blancs, buffles, léopards, hyènes, girafes, zèbres, gnous, crocodiles, antilopes, lynx, pythons, vautours… Le grand projet dont rêve Lawrence Anthony est de créer, à partir de Thula Thula, une énorme réserve, proche des terres naturelles originelles. Pour cela, il lui faut persuader les clans de s’unir pour la préservation de la faune et de la flore et interdir la chasse et le pâturage.

En 1999, il accepte en dernier recours, un peu sur un coup de tête, d’accueillir un troupeau d’éléphants traumatisés dans sa réserve. Il doit alors aménager les lieux dans l’urgence. Ils ont deux semaines pour réparer et électrifier les trente kilomètres de clôture entourant la réserve et construire un boma (enclos traditionnel) de quarantaine pour isoler les éléphants le temps de leur adaptation. Il fait face à une difficulté supplémentaire puisque le troupeau a un lourd passif : suite aux violences dont ils ont été victimes, ils ont développé une haine folle à l’égard des humains et ont jusqu’à présent détruit toutes les barrières qui tentaient de les contenir. Néanmoins, Lawrence Anthony se sent obligé de les prendre pour éviter qu’ils ne soient abattus.

Bien qu’étant un témoignage, le livre se lit comme un roman et se révèle passionnant. On sent que Lawrence Anthony n’est pas écrivain en raison de petites maladresses d’écriture et de quelques répétitions (même s’il a été aidé par le journaliste Graham Spence), mais cela ne gêne pas la lecture. Son histoire est incroyable. Le personnel de la réserve vit des péripéties totalement folles, entre les braconniers, la fuite des éléphants, la trahison de certains employés, les attaques des animaux sauvages, les intempéries, les incendies…

On suit la vie dans la réserve du côté du gérant, avec les promenades en land rover, les rangers et les chasseurs dont le talent est crucial pour endormir les bêtes, le fidèle chien Max, les négociations avec les tribus locales. On comprend les enjeux des relations avec les villages alentours qui vivent de la chasse et sont inquiets pour leur sécurité en raison de la présence des éléphants (surtout d’un troupeau incontrôlable habitué aux fugues !). Le livre n’omet pas les enjeux financiers, puisque pour faire fonctionner la réserve, il a besoin d’argent. Il va construire pour cela un lodge de luxe pour les touristes et organiser des safaris. Sa relation avec sa femme française m’a également plutôt amusée. Cette vie sauvage est totalement un autre monde que l’on découvre.

Le plus impressionnant est sans doute la relation hors-du-commun que Lawrence Anthony parvient à développer avec les éléphants, pourtant connus pour leur caractère sauvage et leur méfiance envers les hommes. C’est un travail de longue haleine et il est amené à prendre des risques car il a à cœur de les sauver et croit en son projet. Cela commence par un rejet total et une attitude très agressive de la part des mammifères. Pourtant, petit à petit, il gagne la confiance des chefs du troupeau, tisse un lien, multiplie les rencontres avec les éléphants dans la réserve et parvient à une certaine proximité physique et psychologique.

De l’autre côté, le livre n’est pas non plus idéaliste et j’ai apprécié cette attitude de l’auteur. Pour lui, cela reste avant tout des animaux sauvages qu’il faut respecter et qui peuvent être dangereux. Il sait par exemple pertinemment que les éléphants ne comprennent pas les mots et qu’ils ne seront pas amadoués une fois pour toutes. Il rencontre parfois des problèmes ou un revirement dans le comportement des animaux et surtout connaît les limites à ne pas franchir avec eux. De même, son but n’est pas de les domestiquer ni de construire une relation d’amitié durable avec eux. Il limite délibérément ses contacts avec le troupeau et souhaite avant tout qu’ils restent à l’état sauvage.

J’ai appris encore une fois beaucoup sur les éléphants et je les trouve toujours aussi fascinants. Ce sont des animaux majestueux qui ont un sens de l’honneur, imposent le respect (et notamment un espace à ne pas franchir) et se font maitres des démonstrations de domination. Jouer au plus fort avec eux peut s’avérer dangereux. Ils sont également imprévisibles, on ne sait jamais ce dont un éléphant en colère est capable. Dans tous les cas, il faut éviter de rester sur leur route ou de s’approcher trop près. Entre les charges à toute vitesse, les piétinements et les barrissements, toute la puissance de ces animaux ressort. Les éléphants sont aussi dotés chacun d’une personnalité propre et d’un sixième sens inexpliqué. Ils font preuve d’intelligence, de compréhension et de protection envers les membres du troupeau.

[Lawrence Anthony (1950-2012) était un célèbre défenseur de la nature et le fondateur de The Earth Organization. Il est le premier sud-africain à avoir reçu la médaille du Jour de la Terre pour son travail à Bagdad où il sauvé les animaux du zoo lors de la guerre d’Irak en 2003. Il a également été récompensé par le Global Nature Fund pour  sa contribution à la protection de la nature et de l’environnement. Membre du Club des Explorateurs de New-York, il a créé et dirigé la réserve d’animaux de Thula Thula en pays zoulou.]

En bonus, un extrait d’un reportage qui lui était consacré  :

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En bref, un témoignage passionnant sur l’accueil et la vie des éléphants dans la réserve de Thula Thula. C’est un projet incroyable, le rêve un peu fou d’un homme qui a voulu y croire. L’histoire de Lawrence Anthony est aussi prenante que touchante. On sent réellement son amour profond pour les animaux et sa volonté de protéger l’environnement.  

Verdict Coup de coeur

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4 réflexions sur “L’homme qui murmurait à l’oreille des éléphants, Lawrence Anthony

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