La couleur des sentiments, Kathryn Stockett

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Chez les Blancs de Jackson, Mississippi, ce sont les Noires qui font le ménage, la cuisine, et qui s’occupent des enfants. On est en 1962, les lois raciales font autorité. En quarante ans de service, Aibileen a appris à tenir sa langue. L’insolente Minny, sa meilleure amie, vient tout juste de se faire renvoyer. Si les choses s’enveniment, elle devra chercher du travail dans une autre ville. Peut-être même s’exiler dans un autre Etat, comme Constantine, qu’on n’a plus revue ici depuis que, pour des raisons inavouables, les Phelan l’ont congédiée. Mais Skeeter, la fille des Phelan, n’est pas comme les autres. De retour à Jackson au terme de ses études, elle va unir son destin à celui des bonnes noires et s’engager dans un projet d’écriture pour changer les choses.

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Le Défi 12 mois, 12 amis, 12 livres commence plutôt bien, puisque la première lecture signe aussi le premier coup de cœur !

L’histoire de La Couleur des sentiments n’était pas une surprise pour moi, étant donné que j’avais vu le film (très fidèle au livre) et je me rappelais assez bien de l’intrigue. J’ai été autant charmée par le roman que par l’adaptation ! Heureusement, quelques détails m’étaient sorti de la mémoire et j’ai pu me laisser porter par le récit.

On est d’emblée marqué par le réalisme du livre. L’auteur nous plonge dans l’ambiance du Jackson, Mississippi, des années 60, caractérisé par la ségrégation et un racisme profondément ancré dans les esprits, même chez les Blancs les plus tolérants. C’est d’ailleurs terrible de voir comment ces idées sont inculquées aux enfants et ainsi perpétuées de génération en génération. Kathryn Stockett a poussé son souci du détail jusque dans le langage des personnages, fidèle à un parlé populaire afro-américain (perceptibles en français, ces marques de langage doivent être d’autant plus flagrantes en anglais !).

Malgré quelques longueurs, j’ai adoré suivre le quotidien de ces bonnes. Leur condition, le mépris des Blancs et la manière dont la séparation entre Blancs et Noirs est vécue et acceptée comme quelque chose de normal nous paraissent tout simplement invraisemblables aujourd’hui. Le roman nous donne à voire la dureté de leur existence, mais aussi leur combativité, leur courage et l’affection qu’elles portent aux enfants qu’elles gardent.

Le récit est construit en alternant les points de vue de Skeeter, Aibileen et Minnie, avec chacune leur caractère, leur quotidien et leurs préoccupations. Les personnages, que l’auteur prend bien le temps d’introduire et de suivre tout au long de l’histoire, sont  particulièrement attachants. J’ai été séduite par l’amour d’Aibileen pour les enfants, par la forte tête de Minnie, et par la personnalité de Miss Skeeter. Outre les témoignages sur la condition de domestique, j’ai apprécié suivre les déboires amoureux de Miss Skeeter, sa vie chez ses parents avec une mère surprotectrice et sa position en porte-à-faux par rapport à ses amies.

A travers le point de vue des bonnes, on se moque autant qu’on est choqué du comportement de leurs patronnes, des petites bourgeoises désœuvrées, délaissant leurs enfants et toutes les tâches ménagères aux bons soins de leurs domestiques, et passant leurs journées à papoter et à organiser leurs clubs, ligues et autres projets de charité.

Mais l’auteur a également souhaité montré la diversité des situations et des relations entre Blancs et Noirs. Entre la jeune patronne inexpérimentée et décalée de Miss Minnie, la cruelle Miss Hilly, et la mère indigne Miss Leefolt, on a autant d’attitudes différentes des Blanches envers leurs bonnes. Les rapports entre Blancs et Noirs étaient certes faits d’oppression/soumission, de haine et de conflit, mais ils pouvaient également contenir de l’affection, de la bienveillance, voire de l’amitié.

Enfin, le cœur du roman est cette drôle de collaboration qui s’installe non sans obstacle entre Miss Skeeter et les deux bonnes noires. On prend alors conscience des risques que cela suppose, non seulement pour la jeune Blanche dont l’attitude serait jugée inacceptable pour ses pairs, mais surtout pour les domestiques qui jouent leur emploi et leur vie. Le livre nous donne à voir la persévérance et le courage des personnages dans un combat qui semble perdu d’avance, la difficulté de changer les esprits et l’espoir de pouvoir faire bouger les choses pas à pas.

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Au final, La Couleur des sentiments est une histoire forte sur la condition des bonnes dans l’Amérique ségrégationniste. Au-delà du témoignage, le roman est à la fois terrible et bourré d’humour, et saura vous séduire par ses personnages attachants et émouvants.

Verdict Coup de coeur

 

28 réflexions sur “La couleur des sentiments, Kathryn Stockett

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  7. Coup de cœur également pour ce livre ! Il rend bien compte des conditions des Noirs Américains à cette époque mais n’est pas moralisateur ni « livre d’histoire ». On découvre une histoire à 2 voies, les relations entre les protagonistes sont à la fois différentes et touchantes. Et il laisse une belle part à l’humour malgré le thème de la Ségrégation. J’ai beaucoup apprécié le film aussi !

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