∼ Niki de Saint-Phalle ∼
Trois jours avant la fin du mois, il est grand temps de vous retrouver pour notre rendez-vous (que j’ai trop souvent tendance à zapper faute de temps… et de courage) ! Ce mois-ci, je vous parle d’une artiste qui est certes connue, mais pas forcément de manière très approfondie. Moi-même j’avoue que, jusqu’à peu, même si certaines de ses œuvres m’étaient familières, je n’y connaissais pas grand chose et son nom ne me disait rien.
Mais il y a environ un an et demi, je suis allée voir une exposition au Grand Palais consacrée à Niki de Saint-Phalle. L’occasion de découvrir une artiste, une femme engagée et des œuvres puissantes, que j’aimerais partager avec vous.
Niki de Saint-Phalle, née en 1930, grandit dans une famille bourgeoise et catholique, entre la France et les Etats-Unis. Elle se détache rapidement de ce milieu conservateur, poursuit une carrière de mannequin et se lance dans les arts plastiques en autodidacte. En tant qu’artiste, elle s’inspire de la culture pop américaine et de nombreux peintres européens. Elle fait partie du groupe des Nouveaux Réalistes.
Des œuvres plus sombres qu’il n’y parait
La femme est un sujet central dans toutes ses œuvres. A travers ses peintures et ses sculptures, Niki de Saint-Phalle réfléchit sur les rôles de la femme dans la société et se bat pour les droits des femmes dans un monde patriarcal. Véritable féministe à l’oeuvre libératrice, elle incarne le Women Power.
Ce qui m’a le plus étonné dans l’exposition, c’est la violence et la noirceur d’une grande partie de ses œuvres. J’ai appris par la suite qu’elle avait été victime d’inceste par son père lorsqu’elle avait 11 ans, ce qui explique en partie la colère, la peur et la violence qui se dégagent de ses tableaux et sculptures, comme un moyen d’exorciser ses émotions et sa souffrance et de se battre pour défendre la femme.
L’émancipation féminine se fait notamment à travers la confrontation avec l’homme.

Portrait of my Lover
Une des œuvres qui m’a le plus marquée. Ici, la femme-objet ou blessée devient tueuse, l’homme devient victime, comme une libération après une relation douloureuse
La violence devient même ce qui guide la main de l’artiste. Ainsi suivent les Tirs, une série de tableaux constitués de sacs remplis de peintures de couleur vive et recouverts de plâtre. Niki de Saint-Phalle se munit d’une carabine et, tir après tir, fait exploser les sacs, libérant la couleur pour constituer un tableau. Impossible de ne pas penser, à la vue de la peinture dégoulinante, à du sang s’écoulant de blessures. Ce geste provocant, cette performance décalée marquent durablement les esprits.
Ses tirs s’adressent aussi à l’actualité et au monde politique, comme avec cette oeuvre Kennedy-Khrouchtchev. Niki se bat contre la guerre froide, comme elle se bat contre le patriarcat.
« En 1961 j’ai tiré sur : papa, tous les hommes, les petits, les grands, les importants, les gros, les hommes, mon frère, la société, l’Eglise, le couvent, l’école, ma famille, ma mère, tous les hommes, Papa, moi-même. »
Sa carrière artistique se poursuit autour de la définition des rôles féminins. Nombre de ses sculptures représentent des femmes mariées et des accouchements, de manière plutôt…spectrale. Il s’agit surtout de dénoncer l’enfermement de la femme au sein du foyer et son asservissement. A travers les accouchements, elle donne à voir des femmes puissantes, complexes, viriles.
Le sens derrière les couleurs
Viennent ensuite ses créations les plus connues : les Nanas. Changement de ton, mais pas de combat.
« Après les Tirs, la violence était partie, mais restait la souffrance ; puis la souffrance est partie et je me suis retrouvée dans l’atelier à faire des créatures joyeuses à la gloire des femmes. »
Avant de visiter cette exposition, les Nanas étaient simplement pour moi des sculptures colorées, originales et sympathiques. Evidemment, il y a derrière une signification beaucoup plus profonde.
Les Nanas sont reconnaissables à leur taille gargantuesque, leurs formes arrondies, leurs collages colorés en papier et tissu et leurs mouvements dansants. Niki de Saint-Phalle s’amuse à exagérer la féminité et à déformer les corps en excroissances asymétriques : elle libère le corps de la femme. Les Nanas sont imposantes, ont une taille et une stature égales à celles des hommes, prêtes à les dominer. Elles incarnent à elles-seules le « nana power », une figure de femme forte, qui s’assume, qui revendique sa place.
Les Nanas, ce sont aussi des déesses de la fécondité. Niki de Saint-Phalle crée des « femmes-maisons », à l’image de la Hon, sa première sculpture gigantesque dans laquelle on pénètre par le vagin, lieu qui donne la vie. Des Nanas s’installent dans les villes, dans les parcs et les jardins publics. Les « Nanas-maisons » sont de nouvelles mères, des lieux qui accueillent.
Enfin, l’artiste propose une autre vision de la maternité avec les « mères dévorantes » dans laquelle on retrouve l’ambiguïté et l’atmosphère sinistre de ses œuvres précédentes. Représentées vieillies, enlaidies et tristes, à table ou aux côtés de cercueil, elles « dévorent » maris et enfants. Niki de Saint-Phalle interroge la maternité étouffante et l’ambivalence de la femme, à la fois victime piégée dans son rôle et dominatrice. Elle représente la famille et le couple comme des mondes violents, sans concession.
* * *
Je vous quitte sur ces derniers mots, après vous avoir fait (re)découvrir Niki de Saint-Phalle, sculptrice, figure de l’art corporel et monumental, artiste engagée, subversive et innovante. J’espère vous avoir convaincu que ses œuvres valent le détour !
J’aime cette artiste !
Je n’avais malheureusement pas eu la chance d’aller voir l’exposition l’année dernière, mais ma tante m’a offert un livre sur l’expo, du coup ca rattrape un peu n.n
C’est bien que tu en parles, car elle mérite vraiment d’être plus connue.
J’aimeAimé par 1 personne
Je vois que tu partages mon avis 🙂 Je me dis heureusement que je suis allée voir l’expo, sinon je serai passée à côté d’une grande artiste !
J’aimeAimé par 1 personne
En effet, tu as bien fait 🙂
Ce que j’apprécie dans son travail, c’est qu’il y ait une signification, et que ça me parle – sans compter l’esthétique de certaines de ses œuvres, que j’apprécie beaucoup.
J’aimeAimé par 1 personne
Et puis si on se remet dans le contexte des années 50-60, ça a vraiment du choquer à l’époque, elle était assez en avance sur son temps.
J’aimeAimé par 1 personne
Ah ça oui, c’est sûr ! Ça devait paraître complètement dingue pour certains, génial pour d’autres.
C’est comme Orlan, Marina Abramović… Tant d’artistes femmes décidées à faire bouger les choses !
J’aimeAimé par 1 personne
Pingback: * Bilan du mois d’octobre * | Petite Plume