Moby Dick, d’Herman Melville

9782070400669

Je ne chercherai pas à vous faire un résumé de Moby Dick – ce serait peine perdue. Car si tout le monde a déjà entendu parler de Moby Dick, la baleine chassée par le méchant capitaine Achab, peu savent à quoi ressemble le roman original d’où est tirée la célèbre histoire.

En réalité, le roman d’Herman Melville est plus un documentaire sur la baleine qu’un roman. Je pense que c’est surtout lié à l’époque où a été publié le livre, disons qu’il a simplement mal vieilli. Cette façon d’écrire n’est plus du tout d’actualité : c’est comme si l’auteur, dans une phase préparatoire, avait fait des recherches très pointues pour le sujet de son roman et les incluait ensuite telles quelles, brutes, dans son roman. On a ainsi des passages entiers destinés simplement à informer le lecteur de manière très scientifique : description de la baleine, typologie de toutes les espèces de baleine et leurs spécificités… Autant vous dire que le tout est assez lourd et long. J’ai décidé de sauter carrément des passages entiers, et ce sans scrupules ni remords, car c’est presque nécessaire si on ne veut pas gâcher sa lecture et abandonner le livre. La lecture est d’autant plus fastidieuse qu’il n’y a aucune images ou cartes qui permettraient de visualiser ce que raconte l’auteur sur les baleines et de suivre le trajet du navire lors de la chasse.

Au contraire, la première partie du roman m’a vraiment séduite grâce à son aspect narratif : on suit le narrateur, Ismaël, lors de sa rencontre avec un drôle d' »indigène », Queequeg, et leur engagement sur le navire du capitaine Achab. Malheureusement, une fois sur le bateau, le personnage s’efface complètement, ce qui est bien dommage. On perd le point de vue interne pour un point de vue omniscient qui jette un regard général sur la  vie sur le navire. Si vous vouliez savoir comment Ismaël se débrouillait sur le navire et ce que devenait son amitié avec Queequeg (comme tout lecteur normalement constitué, non ?), c’est loupé !

En cela, je le répète, ne vous attendez pas à un roman traditionnel. Ici nul fil narratif, nul réel scénario. Je dirais même que les personnages ne sont pas vraiment importants, c’est un livre sur un sujet, la chasse à la baleine. Par conséquent, on a dû mal à s’attacher aux membres d’équipage (qui paraissent bien peu habités) et à les identifier, et c’est aussi ce qui rend la lecture difficile.

Je lisais il y a quelques temps un avis des Chroniques de Totoro qui avait lu le livre en édition abrégée et n’avait pas accroché à cause des raisons que j’ai mentionnées. Il est vrai que, pour lire Moby Dick, il faut avoir au préalable un minimum d’intérêt pour les baleines, la chasse à la baleine et l’époque dans laquelle tout cela se situe. J’ai apprécié le roman en tant que témoignage sur ces villages de pêcheurs où les hommes s’engagent comme baleiniers et partent en mer pendant trois ans, tout simplement parce qu’on a besoin d’huile pour faire marcher les lampes.

[Petite parenthèse : 

Pour être honnête, à l’origine c’est le film Au cœur de l’océan qui a éveillé mon intérêt sur le sujet et m’a donné envie de me lancer dans Moby Dick. Le film est présenté comme l’histoire qui a inspiré Moby Dick, ce qui, après lecture du roman, n’est pas tout à fait vrai car le roman n’y fait presque pas allusion. Il comporte cependant toute l’action qui manque au roman et est une bonne introduction pour se mettre dans la peau des chasseurs de baleine au XIXème siècle. J’ai très envie de lire le roman In the Heart of the sea (qui a inspiré le film) et le témoignage du baleinier en personne Owen Chase.]

Autre idée reçue que je m’empresse de démentir : on voit très peu Moby Dick dans le roman. Il en est question au début du roman et à la fin, et l’équipage ne le rencontre qu’une seule fois. Le reste du temps, bien que la fameuse baleine constitue le but peu avouable de l’expédition, le navire traverse la moitié du globe et suit son train train quotidien. L’idée d’une histoire de course-poursuite entre Achab et Moby Dick tient surtout de la légende autour du roman et de ce qu’on en a retenu par la suite.

Outre les défauts que j’ai mentionnés, c’est un livre très bien écrit, et la plume de l’auteur rend agréable le récit même lorsqu’il pourrait devenir ennuyant. Melville a cette pointe d’humour, ce sarcasme et un vrai recul par rapport à l’activité des baleiniers, ne cherchant ni à les juger, ni à les défendre au-delà du raisonnable.

« Malgré sa vieillesse, son unique nageoire, et ses yeux aveugles, elle était vouée à la mort par assassinat, afin de donner de la clarté aux joyeux mariages et autres festins de l’homme, et aussi à illuminer les solennelles églises dans lesquelles il est prêché que tous doivent être absolument inoffensifs envers tous. »

Du fait de la date d’écriture, le roman comporte une part importante de réflexions métaphysiques sur le rapport entre l’homme et la nature, sur le rapport à la baleine, géant marin, sur l’intervention du divin, sur le bien et le mal. Cela surprend, après je pense qu’on aime ou on n’aime pas.

Je terminerai sur une note positive en vous présentant ce que j’ai vraiment apprécié dans Moby Dick :

D’abord, le capitaine Achab qui est un personnage intéressant. On le découvre sous plusieurs aspects tout au long du livre : vieil homme solitaire, marqué par la vie, sombre, mystérieux, obsédé par Moby Dick qui lui a pris sa jambe et en même temps conscient de la folie de son obsession. Le récit est terrible car le capitaine entraîne tous ses hommes avec lui dans une aventure insensée, par simple vengeance, incapable d’entendre raison et de renoncer à cette quête dangereuse et inutile. En même temps, c’est aussi un bon marin et un officier qui sait parler à ses hommes.

« Oui ça lui serait égal que tout son équipage périsse. N’a-t-il pas dit qu’aucune tempête ne lui ferait baisser pavillon ? N’a-t-il pas brisé son sextant et, dans ces mers périlleuses, ne navigue-t-il pas en tâtonnant à l’estime douteuse du loch ?… Dans ce typhon, n’a-t-il point juré qu’il n’avait pas besoin de paratonnerre ? … Va-t-on lâchement laisser ce vieux fou entraîner avec lui tout son équipage à la mort ?… Oui, il sera le meurtrier conscient de trente hommes et plus s’il n’arrive malheur au navire, et je le sens, si on laisse Achab en faire à sa tête… »

Ensuite, Moby Dick permet d’en savoir plus sur la vie à bord d’un navire et la navigation. Au delà de ça, c’est un véritable hommage aux harponneurs. Laissez vos préjugés d’hommes et femmes du XXIème siècle de côté : à l’époque, la baleine n’est pas un mammifère marin protégé, c’est avant tout un gibier nécessaire avant l’arrivée du pétrole. Le métier d’harponneur est extrêmement dur et dangereux. Les harponneurs partent pendant des années sur un navire dans des conditions de vie difficiles, loin de leur famille, et en sachant qu’ils risquent de ne jamais revenir. Nombre d’entre eux se font massacrer par les baleines qui ont une force redoutable (saviez-vous que la baleine est le plus grand animal au monde ?). Tout ça pour dire que la chasse à la baleine au XIXème siècle n’est pas une cruauté gratuite, c’est simplement un moyen de se procurer l’huile nécessaire pour les lampes de l’époque, et une vocation banale pour les gars courageux des villages de pêcheurs comme Nantucket. D’où l’intérêt, aussi, d’avoir cette autre perspective, plus historique.

* * * 

 

En bref, on ne peut s’empêcher d’être déçu de ce roman qui ne répond pas tout à fait à nos attentes de la poursuite de Moby Dick par Achab. Cependant, je pense aussi qu’il faut avoir de l’indulgence pour l’époque et la curiosité de lire un roman d’un autre style et sur un sujet qui peut se révéler très intéressant. 

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PS : Je vous mets en bonus le lien d’un dessin-animé que je regardais il y a quelques années, Moby Dick et le secret de Mü ! Rien à voir, mais pour le clin d’œil 😉

8 réflexions sur “Moby Dick, d’Herman Melville

  1. En ce moment, j’ai bien d’autres ouvrages qui me font plus envie 🙂 Comme tu le dis, ce livre est utile dans le sens où il permet dans savoir plus sur la vie à bord d’un navire et les harponneurs, mais pour l’instant, je vais le mettre de côté. On verra plus tard si j’en ai l’envie. Si c’est pour me forcer à le lire et être déçue, vaut mieux attendre le bon moment.

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